jeudi 21 avril 2011

Elégie pour un américain, Siri Hustvedt

La jeune femme et la petite fille s'arrêtèrent sur le trottoir en compagnie de Laney Buscovitch, de l'agence Homer. Je ne distinguais pas le visage de la femme, mais je voyais qu'elle avait une allure superbe. Ses cheveux étaient courts, coupés près du crâne. Même à cette distance, j'aimai son cou svelte et, bien qu'elle portât un manteau long, la vue de l'étoffe sur ses seins fit surgir en moi une image d'elle nue et, simultanément, une houle de désir. La solitude sexuelle que je ressentais depuis quelques temps, solitude qui m'avait à l'occasion poussé à jouer les voyeurs devant le porno câblé, s'était intensifiée après les funérailles de mon père, montant en moi à la façon d'un orage gémissant, et ces bouffées post mortem de libido me donnaient l'impression d'être retourné à ma vie d'adolescent onaniste empoté, le grand, maigre et pratiquement glabre roi de la branlette à l'école secondaire de Blooming Field.



Extrait évocateur de la page 18 du passionnant roman de Siri Hustvedt, Elegie pour un américain (2008), Babel Actes Sud, dans lequel on devine par ailleurs et à l'occasion la silhouette de Monsieur, que j'adore.

7 commentaires:

ariana lamento a dit…

salut. Il a écrit dans quelle langue, à l'origine, Siri?
Très beau texte.

L'affreuse a dit…

Elle est américaine, elle écrit en anglais, le titre en VO:

The Sorrows of an American.

ariana lamento a dit…

ben merci!!! ma bibliothèque s'enrichit, c'est ta faute...

Yibus a dit…

Superbe texte... Sympa, Ariana va me l'offrir (mince, elle l'a acheté pour sa liseuse...).

Sinon, question grammaticale : tu adores qui ?
- le passionnant roman...
- la silhouette de Monsieur...
- Monsieur...

Stéphanie a dit…

J'adore aussi Monsieur.

ariana lamento a dit…

ayé, j'ai déjà lu un bon bout. Certains trucs je me demande comment c'est traduit en Français.
thanks, girl!

L'affreuse a dit…

Yibus> disons que ma subordonnée était liée à l'antécédent direct "Monsieur"

Stéphanie> oui, il est délicieux, un peu comme J.O., dans un genre plus raffiné cela dit

ariana lamento> de rien; la traductrice est celle de Monsieur Hustvedt, à savoir Paul Auster, lui-même francophile et traducteur de poèmes français en anglais. Cette fois-ci, remarque bien, il y a une page de notes de la trad en fin d'ouvrage pour préciser quelques difficultés de traduction.

Figurez-vous que dans ma jeunesse j'ai développé un plan de roman dont le personnage principal était justement la traductrice en français de Paul Auster, Christine Le Boeuf, perdue au coeur d'une intrigue mi-littéraire mi-gastronomique! ah ah ah