jeudi 28 avril 2011

C'est mon héritage


Comme elle j'aime le beurre salé sur des tartines de baguettes passées au grille-pain sur la puissance maximum, lire sur la plage, la Bretagne, avoir un sac à ouvrages, m'endormir devant la télé l'après-midi, les bains de pieds avec du gros sel, l'odeur du Synthol, mon nouveau bracelet en argent et son collier en perles de bois, jouer au Yams, tricher au Scrabble, les oiseaux de Picasso (surtout de basse-cour), les personnages de Chagall, envoyer des cartes postales, le rosbif saignant froid, faire des listes de courses, les termes "double-pâte et patachon", les romans policiers, les voyages en train, faire très attention à ne pas perdre mes tickets de métro, le Louvre les mardis d'orage, m'allonger sur une couverture posée sur l'herbe, dire du mal de mes voisins, tremper mes biscuits dans le thé, boire du champagne, fréquenter l'océan, voyager, relater le Canard Enchaîné à voix haute, notre adorable chipie, mes beaux garçons.


J'aimais aussi les veines apparentes sur ses mains âgées depuis toujours et l'odeur sur ma bouche, quand je l'embrassais, de son front froid. Je la faisais pas mal rire et elle me traitait souvent de garce. Elle disait "Oh la garce!".

Comme elle encore, je déteste les pétards, le 14 juillet, les curés, les flics, les militaires, les patrons, les médecins, leurs remèdes, les chiens, l'odeur des cigares, Johnny Halliday, Michel Drucker, mes tantes et Nicolas Sarkozy.

jeudi 21 avril 2011

Elégie pour un américain, Siri Hustvedt

La jeune femme et la petite fille s'arrêtèrent sur le trottoir en compagnie de Laney Buscovitch, de l'agence Homer. Je ne distinguais pas le visage de la femme, mais je voyais qu'elle avait une allure superbe. Ses cheveux étaient courts, coupés près du crâne. Même à cette distance, j'aimai son cou svelte et, bien qu'elle portât un manteau long, la vue de l'étoffe sur ses seins fit surgir en moi une image d'elle nue et, simultanément, une houle de désir. La solitude sexuelle que je ressentais depuis quelques temps, solitude qui m'avait à l'occasion poussé à jouer les voyeurs devant le porno câblé, s'était intensifiée après les funérailles de mon père, montant en moi à la façon d'un orage gémissant, et ces bouffées post mortem de libido me donnaient l'impression d'être retourné à ma vie d'adolescent onaniste empoté, le grand, maigre et pratiquement glabre roi de la branlette à l'école secondaire de Blooming Field.



Extrait évocateur de la page 18 du passionnant roman de Siri Hustvedt, Elegie pour un américain (2008), Babel Actes Sud, dans lequel on devine par ailleurs et à l'occasion la silhouette de Monsieur, que j'adore.

jeudi 14 avril 2011

D'où viens-tu Johnny?

Aujourd'hui, je vais parler de mon mari, avec qui, soit dit en passant et bien que l'idée de l'amour éternel me fasse frémir,  j'ai eu l'honneur de convoler en justes noces deux fois, ce qui me permet de me rapprocher de Liz Taylor, une sacrée bonne femme, bien que décédée.



Il est très poli, et tout et tout mais son problème, c'est son air délicieusement exotique, on sait pas trop d'où.

Ca peut lui jouer des mauvais tours...

- en janvier 2010, à Prague, dans le quartier du château, vers la petite rue de Kafka,  cinq mastodontes urkainiens (au moins) l'ont fait reculé avec des mouvements inquiétants dans leur poches intérieures, sur le trottoir, pour protéger le passage d'un dignitaire de la mafia ouzbèque (au moins) accompagné de sa poule en fourrure véritable. On a eu vachement peur. Bon après, on a rigolé, parce qu'on est du genre à bien se marrer mais quand même, ça fait bizarre (je précise que mon mari portait une petite fille en doudoune rose sur les épaules, pour donner un aperçu de la scène plus complet).

- d'après un type du Consulat français de Munich,  il doit très vite trouver le moyen de se faire faire un certificat de nationalité française, vu que comme il est français et fonctionnaire de l'état, avec carte d'identité, passeport, et parents français depuis 1830, ça pourrait bien lui jouer des tours un de ces jours tous papiers en règle, vous voyez. On n'est jamais trop prudent, il a dit, le type de Munich. (moi c'est pas la peine, par contre, parce que ça se voit, que je suis française; le délit de faciès requiert une rare subtilité)

- on perd souvent du temps si y a des gendarmes ou la douane volante aux péages ou dans les gares, pendant les vacances, parce qu'avec ce beau soleil et l'ambiance estivale, ils aiment bien discuter avec lui 5 minutes, histoire de.

Mais parfois ça lui joue de bons tours!

- toujours à Prague en janvier 2010, on a eu une petite visite guidée de l'ancien ghetto par une délicieuse dame juive qui l'a pris pour un pèlerin israélien; notez qu'elle se fichât royalement que finalement pas.

- ça donne toujours un bon sujet de conversation avec les nouvelles rencontres: "Et alors, Nasreddine*, d'où viens-tu?", ce à quoi il répond avec malice "de Lorraine, et toi?".

- ça donne aussi des idées de menu quand on invite quelqu'un: "Ah tiens des Saint-Jacques? oh ben on pensait manger une tajine, nous!" (ndlr: il a jamais mangé de tajine, c'est plutôt couscous chez eux).


... et d'autres fois encore, ça ne lui joue pas de tours du tout!

car c'est tout petit, mais quand on fait des réservations d'hôtel, resto, appartements... 
on donne mon nom, au cas où.

mardi 12 avril 2011

jeudi 7 avril 2011

Top Allemagne # nourriture

1) Un truc super en Allemagne, c'est que se nourrir de coûte pas bien cher. En France, c'est une toute autre affaire, par exemple en été, au 8 à 8 de Pouldreuzic, ça donne au moins  25€/jour sans les crevettes. Sans parler du fossé qui se creuse encore plus entre les prix des restaurants ou cafés-terrasses, c'est ridiculement abyssal.

2) En revanche, un truc dommage avec la nourriture en Allemagne, c'est que les courses nous coûteraient encore moins cher si nous mangions à l'allemande, à savoir principalement du Schwein sous toutes ses formes et des Kartoffeln. Je le sais bien, car j'entretiens une passion coupable pour le voyeurisme à la caisse des supermarchés.

3) Ah connaissez-vous le fromage au wasabi?

4) Au rayon grandes et heureuses découvertes: les Schupfnudeln, les brioches à la pâte de pavot, les bretzels rassis au jalapeno pour l'apéritif, les spaghettis Jamie Oliver, et la Eierlikör (liqueur d'oeuf) que je mange à la petite cuiller. Je ne sais pas comment on pourra se passer de tout ça.

5) Mais surtout, hier, j'ai goûté un Bitterino-Flip (Bitter San Pellegrino dans un grand verre+ zwei Kugeln Zitrone dedans), c'était à mourir de plaisir. Je conseille.

6) Cependant, si j'avais eu l'âme plus aventurière, j'aurais pu choisir des Spaghettieis, de la glace en spaghetti avec du coulis de fraise et des fruits secs râpés pour rappeler la bonne plâtrée de spaghetti bolognaise et parmesan:



Bon appétit bien sûr!

La prochaine fois: les poubelles à l'allemande! 


samedi 2 avril 2011

Les enfants de mes voisins

L'autre soir, nos voisins du Nord, qui avaient déjà participé activement à gâcher mon joyeux Noël , nous ont demandé si on pouvait garder leurs deux enfants, le temps que madame accouche du troisième (elle se faisait déclencher le lendemain matin). 
Comme nous savons faire semblant d'être de nature serviable, parce que ça se passe comme ça dans la vraie vie, nous avons accepté sans sourciller (en vérité, moi, j'ai beaucoup sourcillé mais après on va dire que je suis méprisante et arrogante avec les gens du Nord).


Ils sont arrivés le lendemain à 8h, avec un sac de voyage, les doudous et une couverture. Alors là, j'ai eu comme un affreux doute sur les termes de notre accord, mais mon compagnon, un homme superbe et profondément gentil, m'a fait taire d'un regard éloquent. Il est très fort, quand même.


Voici qui sont les enfants de mes voisins, que je n'oublierai jamais. Mais au cas où ça arriverait, j'aurai noté mon ressenti sur le vif ici même.


La blondinette de cinq ans, que nous appellerons Sue-Ellen* pour situer de manière honteusement caricaturale et hautaine les influences culturelles de sa parentèle, n'a pas, et n'aura certainement jamais, un air à avoir inventé le fil à couper le beurre. En sus de sa physionomie d'ahurie, elle souffre d'une diction un peu chaotique et coupe ses mots pour prononcer des "haaa", (exemple: "brico-haaa-lage"). C'est très lassant, surtout le coup du "h" aspiré. Elle souffrait en plus ce jour-là d'un encombrement nasal verdâtre assez conséquent. Heureusement, elle avait un "nin-nin" (nom d'une petite serviette éponge ikéa dans le Nord?) pour essuyer sa lippe morveuse. Quand elle n'avait pas son "nin-nin", elle s'essuyait le nez avec les doigts qu'elle séchait ensuite sur son tee-shirt rose.
Comme elle était malade, elle avait des "médica-haaa-ments" et au doigt, elle avait un "cana-haaa-ri". Avec le recul, c'était peut-être bien du liquide céphalo-rachidien qui s'écoulait de son nez, ceci expliquant cela.


Et puis elle a fichu des bouts de papier et des paillettes partout, cette cochonne, parce qu'elle avait ramené une sorte de kit de bricolage de Pâques trouvé à Lidl ("-haaa-nan c'est pas du brico-haaa-lage.  C'est des -haaa-ctivités"). Well well well! j'aurais pu dire dans ma nouvelle langue.


Son frère de sept ans, que j'appellerai Marcel Proust*,  histoire de me moquer de son vrai prénom qui a sans doute été plutôt inspiré par une célèbre chanson de Dave, nous a très vite annoncé qu'il avait faim. Sa soeur nous a prévenu: "Marcel Proust* -haaa- il est comme les quin-quins, il mange que des nouguètes et des -haaa- frites, il est très -haaa- difficile, moi je mange de tout". (NDLR: "quinquin"= américains, des personnes "anglaises qui parlent pas français"; "nouguètes": nuggets).


Comme j'ai un fameux esprit de contradiction, j'ai bien rigolé par devers moi en préparant pour le déjeuner une soupe épinards-haricots verts-courgettes. Franchement, j'ai rarement autant ri intérieurement, ce qui donne une idée de mon désespoir. 
Mon mari, un homme gentil et très beau, quand il est revenu de sa réunion pédagogique où il s'était barré en douce, en voyant le vert soutenu de ma soupe, m'a lancé un regard dubitatif mais néanmoins compréhensif, et un faible sourire désolé. Il est vraiment très fort.




Après les avoir regarder ne rien manger en boudant, audace qui a fortement impressionné nos enfants, (mais de toute façon, ça ne peut sûrement pas faire de mal à Marcel Proust* de sauter un repas de temps en temps si vous voyez ce que je veux dire), on a dû se les trimbaler pour aller récupérer nos passeports au Consulat de Stuttgart, et puis consoler Sue-Ellen* qui n'a pas cessé de geindre pendant des heures parce qu'elle voulait sa ma-haaa-man (le croyez-vous? je l'ai prise en photo pendant qu'elle pleu-haaa-rait pour me moquer d'elle! ouh! ça c'est vraiment affreux, sale et méchant! Ah ah ah ah! ). 


Une semaine après, nous avons reçu un faire-part (avec un DVD contenant les 700 photos de la naissance de Garou*(astuce), la petite dernière), des jouets pour chacun de nos enfants et un joli bouquet avec des paillettes collées sur les fleurs. Du coup, je m'en veux de me moquer, mais pas trop; faut croire que j'ai vraiment mauvais fond!