vendredi 26 octobre 2007

Geneviève Beaujeu dite la Madelon ou Beau Jolliet, épouse du seigneur Humbert du fait de son célèbre corsage



« Il est ben jolliet ton téton la Madelon », « Cré vingt dieu c’est drôlement jolliet c’qui fait hommage à ton corsage ! », « Allez ma Madelon, laisse moi lutiner ton jolliet et doux mignon féminin qui craquèle ta chemise, je te donnerai un louis d’or pour t’acheter du pain bis et des rubans ! ».
Voici donc ce que la fraîche et délicieuse Geneviève Beaujeu (que les hommes du cru appelaient Madelon par goût du vice) dû supporter dès prime jeunesse durant des mois et des années.
Lassée d’asséner à Jehan l’Achapoire, au nain Gaspard et même au bel Ysson L’Escouvillon de s’en retourner à leurs fermes et troupeaux de porcs voir si elle y étoit, jugée de mauvaise vie par le tout-puissant abbé de Cluny et sa troupe de dévotes ahuries, Geneviève prit la décision de quitter son village-rue, son bocage, et le modeste commerce de toile de jute de son père pour tenter sa chance à Lyon.
Tristesse et désolation, après ce départ précipité, dans le cœur des hommes !
Et de plus quelle déconvenue pour la jeune femme!
Quand on n’a ni protection ni saint patron ni formation de choix, survivre en état d’honneur était bien difficile, trop difficile, avec tous ces marchands, ces imprimeurs, ces artistes et ces canuts et il ne fallut pas longtemps à notre jeune amie pour s’en retourner au pays, claquant la porte de son bouchon, dans l’espoir de retrouver un peu de quiétude et de joies simples.
corsageSeulement, dans sa chère vallée de l’Ardière, personne ne l’avait oubliée et dès qu’un petit pouilleux du coin l’aperçut dans la charrue bourrée de chaume qui la ramenait à bon port, il se mit à crier à la cantonade pour avertir la populace villageoise: « Vlà le beau jolliet qui s’en revient ! caca boudin ! ».
Et c’est ainsi que recommença l’agaçante valse des prétendants à la porte de Geneviève.
Le seigneur du castel de Pierre-Aigüe eut vite écho de ces nouvelles joyeuses, lui qui ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam la légendaire Madelon au téton jolliet, Geneviève si vous avez suivi, mais désormais évoquée par l’expression du petit pouilleux, « Beau Jolliet ». Le seigneur Humbert, en révolte contre son paternel qui, jugeait-il, traitait bien mal ses sujets (lesquels se vengeaient bien en foutant le feu à toutes les calèches de la région, bien qu’il n’y ait pas eu à cette époque de polygamie avérée dans leurs domaines, fort pieusement chrétiens, s’il en est), aimait à se montrer proche du manant.
C’est ainsi qu’il rencontra Geneviève, ce fameux « Beau Jolliet » de la vallée de l’Ardière, et enivrés d’amour dès les premiers instants, ils se marièrent sous des lilas et eurent beaucoup d’enfants, mamelus joliment.
Devenus au grand bonheur de tous les plus hauts dignitaires de la noblesse du patelin, on continua longtemps à appeler ce couple de l’amour les « Beaux Jolliets », et, curiosité de l'Histoire, ce nom est resté, transformé par le temps en « Beaujolais » .
Vous l’aurez compris, ce sont leurs vignobles qui aujourd’hui nous abreuvent chaque année de gros rouge à la banane, pour la plus grande fierté de… euh, de personne, en fait.

mardi 9 octobre 2007

Heureux les innocents


Aujourd'hui, nous fêtons l'anniversaire de quelqu'un qui m'est très cher.
Je ne la connais pas depuis très longtemps, mais c'est comme si elle avait toujours été là. Même si vous la voyez pour la première fois, elle vous offre les sourires des plus magnifiques, des plus sublimes et sincères, bien que la pauvre ne soit pourvue que de cinq dents.
Son nez fronce un peu quand elle sourit, et ses yeux verts rient aussi. Elle est drôle, malicieuse, belle, socialiste, sa peau est douce, ses cheveux sont fins et blonds. Elle sent bon. Elle sent le lait, le miel et la pêche blanche.
Elle adore les chats, les livres, la mer, le chocolat; elle sait éparpiller comme personne les images et les feutres; de mémoire, on n'a jamais vu quelqu'un se mettre debout de manière aussi gracieuse.
Elle a tous les talents, elle a tous les dons, de la vivacité d'esprit au sens du rythme.
Depuis la première minute, ce qui frappe toutes les personnes qui la rencontrent, c'est son bonheur de vivre affiché sur son visage, son calme serein, sa joie ineffable.

Heureux anniversaire ma joyeuse!

maternitejoyeuse
(oui, bon, la tenue spiderman, c'était pour aider son frère à l'encaisser)

Une pensée tout de même à toute l'équipe de demeurés de la maternité, qui a bien raté ma péridurale, qui s'est bien foutu de ma gueule, mais que j'ai bien envoyé bouler aussi, les sacrés connards et les putes à cul.

jeudi 4 octobre 2007

Olympia



olympiaRegardez donc cette toute petite chose qui doit faire pas loin d’un mètre quarante-sept, l’insondable profondeur de ses grands yeux noirs, cette chevelure de feu, ces oreilles, eh bien, intéressantes, ces petits doigts boudinés, son petit ventre rebondi, ses jambes potelées, ses épaules délicates, et… le reste, oui, bien entendu, pas d’affolement, nous y viendrons (comme souvent, nous nous nounoyons aujourd’hui).
En colo à Gérardmer (dans les Vosges), au cœur de collines perclues de jonquilles, les garçons lui donnaient toujours les petits cubes d’emmenthal qu’ils trouvaient dans leur salade mêlée pour lui prouver leur dévouement, et lui assurer que oui, c’était, sans conteste, bien elle la plus belle. Celui qui se montrait le plus prodigue gagnait le droit de regarder ses culottes Petit Bateau, et ses nichons ; elle leur aurait bien concédé une séance de galoches en prime, mais à l’époque elle ne soupçonnait pas l’existence de telles pratiques, voilà le lot des enfants surprotégés par des parents envahissants.
La charmante Victorine jouissait donc déjà très jeune d'une nature généreuse et sans fausse pudeur, et tout naturellement, vers quinze ans, elle offrit, dans un élan de fulgurance bien compréhensible au vu de son âge sensible, son cœur et son corps au bel Edouard M., l’artiste le plus talentueux de son temps selon Baudelaire et nous-même.
Il n’avait jusqu’alors pas eu la vie facile, le pauvre, parce que tout son travail déclenchait l’effroi, l’hilarité, la stupeur et même l’émerveillement (mais honnêtement ça, c’était plus rare).
L’assidue fréquentation de la jeune Victorine rassurait un peu l’homme légèrement neurasthénique (c’est la croix de tous les grands génies, que voulez-vous), car elle avait toujours le mot pour rire et aimait faire l’originale, ce qui était un agréable moyen d’animer le quotidien.
Par exemple, elle traînait dans son sillage un petit chat de gouttière, noir comme la mort qui répondait au doux nom de Marcelle Appenzzell, parce qu’elle trouvait que ça donnait un genre sorcière chic et marrant (d’ailleurs on aperçoit la bête effarouchée au bout du lit, regardez bien, Edouard avait le sens du détail, ça compte, dans la vie d'un peintre). Il faut dire qu’il aurait eu du mal à l'oublier, la petite chatte, vu le bruit insupportable qu’elle faisait la nuit en grattant les portes, jusqu’à ce qu’on lui ouvre et qu’elle se mette à grignoter avec soin les boucles de Victorine, qui connaissait déjà assez de soucis comme ça avec ses cheveux la pauvre.
Ainsi donc, elle avait de la vie plein les seins, et Edouard les aimait, et voulait le crier au monde, ce qu’il fit ; en retour on l’a hué, on l’a méprisé pour cette nudité crue et naïve , on lui a dit des horreurs, vous savez, même Zola y est allé de ses petites phrases vilaines, et le Salon de 1865 reste un bien mauvais souvenir pour Manet et Victorine (imaginez-la !), quoique ce ne soit pas le seul, Dieu protège leurs âmes tourmentées.
Après cette douloureuse expérience, Victorine est partie seule faire le point pendant quinze jours au Club Med de Marrakech, en sirotant des Maï-Taï on the rocks apportés par un boy du cru fortement impressionné par la manie du topless de la jeune fille qui n’aimait pas tellement les zébrures sur la peau (au cas où elle ferait à nouveau la modèle pour un autre impressionniste, à Giverny, l’hiver venu).
La suite de son histoire, il ne m’appartient pas de vous la révéler, mais sachez que si ça s’est vraiment mal fini (elle montrait des singes sur la butte Montmartre, vérifiez si vous voulez), sa poitrine fut épargnée, et le médecin-légiste chargé de clore le dossier en parlait encore, mémoire vivace et larme à l’œil, bien des années après.