dimanche 18 avril 2010

Instantané #Venise

Campanile, Palais des Doges et toit de la Basilique Saint Marc, vue de la lagune, Venise, Avril 2010

Jehanne la Pucelle #5 L'arrivée à Chinon





Arrivée au château de Chinon, attendue et fêtée plus que de raison, somme toute, pour une paysanne n'ayant encore strictement rien prouvé en quoi qu'est-ce, Jehanne, au moment où je vous parle, prenait ses aises dans une chambrette fruste histoire de se parer un minimum pour sa rencontre avec le petit roi de Bourges.


Après avoir gémi pendant trois heures parce qu'elle n'avait rien à se mettre, elle s'avéra enfin prête, certes toute pleine de chicaneries lui embrouillant les sens, mais parfaitement consciente des convaincants talents de sa gorge, qu'elle avait pleine, ample, et garnie, donc, elle s'élança vers vingt heures dans un labyrinthe de larges couloirs humides, mal éclairés par quelques torches cacochymes dispersées au petit bonheur, se guidant de fait à l'aveugle grâce aux relents sonores de la vaste salle des fêtes.


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A son entrée, sans que les habiles joueurs de psaltérion ne s’arrêtent, on entendit tout à la fois un long murmure aigri (dès qu'un groupe de dames se sent menacé par la présence lumineuse d'une jeunesse, que voulez-vous...), et quelques sifflements égrillards (dès qu'un groupe de messieurs se sent échauffé par la présence lumineuse d'une jeunesse, que voulez-vous...).
Rapidement, fendant cette foule de seigneurs avinés, Simon Charles, le fameux président de la Chambre des Comptes, un grand type efflanqué à la chevelure brouillonne, remarquable josteur, spécialiste des tournures absconses destinées à semer le trouble, s’approcha de Jehanne, lui lança un clin d’œil malicieux en lui attrapant le bras, et, tandis qu’elle-même décidait de garder une froideur calculée, la conduisit directement au buffet.


A suivre...














samedi 17 avril 2010

Jehanne la Pucelle #4 le début d'une épopée






Nous en étions restés à la première discussion qu'entretint Jehanne avec le curé du coin.
Je dois vous dire qu’il ne fut pas bien difficile à convaincre de la véracité des propos de l’ange, parce qu’à cette époque, on était, et de loin, beaucoup plus ouvert aux expériences spirituelles qu’aujourd’hui. Franchement, de nos jours,  il suffit que tu parles de feng-shui, de végétarisme, d’homéopathie ou même de chamanisme, on te regarde comme une bête curieuse un peu demeurée et cucul-la-praline. Les gens sont d’une intolérance! Enfin bref.
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L’étape suivante consista à mener Jehanne à Vaucouleurs, afin qu’elle y rencontre le Seigneur Robert de Beaudricourt. Là, très étrangement (mais ce mystère sera élucidé plus tard, un peu de patience), Sire Robert fit un accueil des plus promptement chaleureux à notre jeune Elue, l’écouta longuement, et accéda à toutes ses demandes vestimentaires autant qu’alimentaires. En effet, en plus d’exiger une armure (mais point d’armes encore), des chausses de laine finement filées, une culotte de peau, des bandes de lin pour faire office de sous-vêtements, Jehanne ne manqua pas, après s’être fait couper les cheveux d’une façon un peu olé-olé, d’exiger à sa table les mets les plus fins, car elle faisait toute une histoire de manger: pâté d’alouette aux échalottes, joues farcies, queue de porc aux marrons, saucisses de foie, pieds en gelée et compote de coing (en cette saison! imaginez!).
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Habillée, coiffée, nourrie grassement : enfin elle était prête pour partir à Chinon, retrouver le jeune dauphin, Charles, ce piètre commandant.
Ce voyage fut laborieux, parce que mettez-vous bien ça en tête : la Lorraine en hiver, déjà c’est coton, mais en 1429, je vous raconte pas le cauchemar. Enfin plutôt si, je vous raconte.
Imaginez-vous, le mois de février sur les routes vosgiennes (peut-être vous connaissez, si vous aimez le ski de fond): les pluies glacées, le froid perçant, la terre boueuse des chemins mal entretenus (on n’a jamais pu faire confiance aux serfs, les petites gens, c’est bien connu, n’ont aucune vraie conscience collective), la boue, les auberges mal famées, les rixes à tous les coins de rues, et pis que pendre: les corbeaux gros comme des cockers qui vous arrachent les yeux sans crier gare!

De fait, il fallut presque un mois à Jehanne (qui savait chevaucher, tiens, tiens... second mystère!)et sa petite troupe pour arriver à Chinon, cité des bois-sans-soif et de la piquette industrieuse.
A suivre...





jeudi 8 avril 2010

Jehanne la Pucelle #3 Un ange a parlé





Le jour de son seizième anniversaire, le 6 janvier 1429, après s'être gavée une fois de plus de galette des rois (la perpétuelle croix des natifs du 6 janvier), Jehanne s'en alla faire une petite promenade digestive dans les prés avoisinnants. Tout à côté de l'étang saumâtre où il lui était déjà arrivé d'entendre des voix mystérieuses, à nouveau Jehanne fut interpelée de la sorte: "Jehanne! dodue! au lieu de baffrer, va t'en donc trouver le roi de France et demande lui une armée pour libérer Orléans!".
Oui, parce que je vous avais pas dit (voilà pourquoi l'histoire nécessite de la MÉTHODE), mais depuis un moment (cent ans? déjà?!), les Anglois semaient terreur et désolation dans le beau pays françois. Les écorcheurs et les pillards envahissaient les campagnes, les brigands rançonnaient les villes, et le roi, faible et geignard, lâche et indifférent, préférait oublier la défaite en buvant, ripaillant, et dansant jusqu'à pas d'heure.
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Bien décidée, puisque les anges avaient parlé, à remédier à tous les maux du pays de France, Jehanne s'en revint à sa bicoque et annonça à ses parents: "Parents bien aimés, j'ai bien prié, et je sais à présent que mon devoir est d'aider notre bon Charles de France, et je vais partir, grâce à Dieu, me battre contre les Anglais, et les tuer tous, jusqu'au dernier, dussé-je leur arracher le coeur avec une petite cuiller!". Ce à quoi son père répondit: "Avec une petite cuiller?! Mais ma pauvre fille, tu me désoles, reprends donc ta quenouille et file le lin, et tu seras bien heureuse encore que je te donne du pain!".
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Comme quoi, c'était pas gagné. Mais enfin, quel parent ne rêve pas d'une ambition glorieuse animant l'esprit de son enfant? C'est ainsi qu'après une discussion que je qualifierais quand même d'un peu âpre, c'est une Jehanne perclue de bleus, de brûlures de cigarette et autres plaies superficielles qui eut l'autorisation de discuter de sa carrière avec le curé de leur paroisse, puis avec Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, dirigeant une enclave d'irréductibles françois.

A suivre...






dimanche 4 avril 2010

Jehanne la Pucelle #2 Au pré





Cadette d'une famille de laboureurs malhonnêtes, avinés et violents, Jehanne faillit subir plusieurs fois les assauts paternels.
Heureusement pour la célèbre et virginale innocence de notre héroïne, les quantités indignes de vin de Chinon (une affreuse piquette) avalées par son père, Jacques d'Arc, ne permirent jamais à ce dernier d'aller bien loin dans ses pervers projets, puisqu'il s'écroulait généralement au pied de la paillasse où dormaient déjà les enfants, et finissait ses nuits, cuvant, roulé en boule au pied du tas de foin.
Quant à sa mère, Isabelle dite La Folle, une grenouille de bénitier dépressive et un peu dure d'oreille (les mystères de l'hérédité sont décidément insondables!), elle ne remarqua jamais rien du révoltant manège de son pitoyable époux.
La vie s'écoulait ainsi, mollement, les parents d'Arc supportant de sombres gueules de bois, à charge pour les enfants de faire tourner la baraque.
Députée à la surveillance des vaches profitant des vaines pâtures dès l'âge de onze ans, la jeune Jehanne n'eut longtemps pour seule compagnie que celle des génisses ruminantes.
A treize ans, elle ne supportait plus leur odeur; à quinze, refusait de les toucher; et jusqu'à sa mort on put l'entendre crier au coeur des nuits de pleine lune des "mort aux vaches!" déchirants.
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Jeanne d'Arc
Jules Bastien-Lepage(1848-1884)
Metropolitan Museum of Art
Ces longues journées de solitude déséspérait absolument la petite Jehanne.
On comprend aisément pourquoi la jeune fille, un peu abrutie, il faut le dire, par ses journées intellectuellement peu stimulantes, se mit à jouer des saynètes  d'inspiration religieuse ou historique, avec des partenaires imaginaires, genre chevaliers, anges et autres rois...

A suivre...




jeudi 1 avril 2010

Jehanne la Pucelle #1 l'ouïe fine








S'il est un personnage historique dont la France peut être fière, en dehors de Robespierre, il s'agit bien de Jeanne d'Arc.
Victorieuse et vaincue, vierge et guerrière, femme et meneuse d'hommes, pauvresse sauvant le roi, oubliée puis retrouvée, figure nationale entachée par l'extrême-droite mais symbole féministe par excellence, il n'est que temps, voyez-vous, que je me penche sur son admirable destin tout en contrastes et paradoxes.





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Née en 1412 aux confins d'une région affreuse, la Lorraine, dans le petit village perdu de Domrémy, la petite Jehanne (qui accusait alors, on le sait peu, un sérieux embonpoint qu'elle perdit cependant rapidement, la vie de guerrière étant plutôt sportive), la petite Jehanne, disais-je, taquinait le goujon, sans aucune prétention, avec une ligne souple en jonc, quand elle perçut, suintant jusqu'à ses oreilles rougies par le froid, une voix aigrelette lui assénant: "Tu ne mêleras pas ta semance à celle des bêtes!".
Interloquée, la jeune enfant gratta l'intérieur de ses oreilles à l'aide de son index droit, renifla son doigt souillé de cérumen, et se dit qu'elle avait sans doute mal compris.

A suivre...