lundi 16 juin 2008

Eve, ou le péché originel #3 (et fin)






Nous en étions restés, je crois, à l’expulsion du fameux verger tentateur.
Voilà donc Eve qui n’a plus que ses yeux pour pleurer, comme dirait ma maman, une femme de poigne.
Saul Rodriguez, le spécialiste guyanais de la Genèse  me disait  justement l’autre après-midi, d’un ton badin, que l’on pourrait considérer la  devise d’Amélie Mauresmo* « Comme on rate tout ce qu'on entreprend, l'inaction est finalement le meilleur gage de réussite »  comme celle de notre Eve déchue, terrassée, battue et sauvagement  humiliée sur le terrain d’un éternel bonheur qu’elle n’atteindrait finalement jamais.
eve_rodin_jardintuileries_terrasseoccidentaleVous constatez grâce à la vision pleine d’empathie de monsieur Rodin (ci à gauche) que contrairement à l’idée reçue (feuille de vigne et compagnie), c’est sur sa poitrine que, réalisant sa faute, elle se replierait honteusement, prenant conscience déjà qu’elle deviendrait ce symbole visible embarrassant sa vie et celle de ses filles (nous autres), sa féminité engendrant bien des souffrances étouffées et des humiliations inutiles, face aux mâles, d’instinct gloutons de supériorité facile.
De son côté, aveugle parmi les aveugles, l’homme condamné au dur labeur (je ne vous apprends rien si vous connaissez bien vos classiques) s’est dit qu’il n’y perdait pas tellement au change en fin de compte, et que ça occuperait toujours ses mains les jours de temps beau, torse poil et bottes en caoutchouc, de passer la tondeuse dans le jardin et d’arroser les plants de sauge.

De plus, se réjouissait-il, sa pudeur ne serait plus heurtée par la vision pour le moins scandaleuse de l’épais popotin de sa douce se trimballant de ci, de là  (à ce propos, on le sait peu, mais Adam confia plus tard, avec toute la classe qui le caractérise, qu’il était d’ailleurs temps pour Eve de se mettre aux pommes, parce que la tartiflette ça va bien cinq minutes).
Bafouées, en larmes, enfantant dans la douleur, abhorrant le femelle en elles,   élevées dans le mépris de leur genre et se désespérant pour les siècles des siècles d’être nées mamelues, c’est donc ainsi que commençait le départ de toutes les femmes dans l’histoire de l’humanité ?
Toutes ? Non ! une grotte peuplée d’irréductibles femmes, et fières d’être des femmes libres, résiste encore et toujours à l’oppresseur. Et  la vie n’est pas facile pour les hommes des camps retranchés…**
* devise mise en pratique au quotidien, de l'Open d'Australie qu'elle gagna avec panache grâce aux insolations terrassant ses concurrentes jusqu'à feu Roland Garros de cette année.
** Eh oui.

jeudi 12 juin 2008

Eve, ou le péché originel #2



La grande question, celle qui prime avant toute chose, c’est:
«  Pourquoi ? ».
michel_ange1Eh bien je vais vous répondre, tout à fait simplement : il faut bien s’émanciper, dans la vie !
Les filles de basse extraction ne naissent pas avec tous les atouts dans la main, ça ne date pas d‘hier, et jaillir tout droit de la côte de son mari n’est pas ce que je qualifierais de naissance prestigieuse.
Il a bien fallu alors qu’Eve développe une forme de stratégie de contournement pour se découvrir un peu d’autonomie à prix peu ruineux, se voyant tiraillée  entre soumission ou transgression, et comme chacun  sait, la liberté se conquiert, et se gagne, à la force du poignet.
La volonté de  défier le Père pris corps en la consommation de la pomme, délicate métaphore de l’orgasme, réel péché originel (le serpent comme substitut phallique, la sève, l’expulsion du jardin après qu’ils en aient suffisamment joui, oui, oui, la  prise de conscience de la différenciation sexuelle, pudeur, culpabilité, l’enfantement qui suivra, etc) dans lequel elle entraîne son compagnon de fortune, ou d’infortune c’est selon où l’on place ses priorités, et ses petites joies, dans la vie.
Soit.
Et après ?
Et après, rien !
Aujourd’hui, avec le recul bien sûr, je conseillerais à Eve et Adam de s’asseoir dans un coin, sur un petit talus recouvert de mousse, pour boire un verre de Porto et discuter un peu de tout ça. Seulement, essayez donc de théoriser pour réfréner le besoin de passion et d’ardeurs sentimentales chez une femme !
Et puis, que voulez-vous ? Ce qui est fait est fait.


(à suivre)


mercredi 4 juin 2008

Eve, ou le péché originel #1




hugovandergoeskunsthistoricUne divine légende nous apprend que nous  devons moult complications de la vie quotidienne (notamment au niveau agraire et médical) à une petite écervelée à l’appétit démesuré, qui n’a pas su, en son temps béni, se priver d’une pomme.
La malheureuse !
Je veux dire, un Brillat-Savarin affiné, admettons.
Une barre géante de Toblerone, passe encore.
Ou même un kiwi, une tomate, du raisin doux.
Mais une pomme !
C’est fade, ça manque un peu de fantaisie.
Et puis ça fait pauvre.
Faut-il qu’Eve fut bien désespérée pour ruiner sa vie et celles de ses descendants pour un fruit  sans doute un peu acide, à la chaire granuleuse et dont la peau épaisse se coince entre les dents. 
Comme je me targue d’être quelqu’un qui a un grand sens de la compassion à l’égard des malheurs d’autrui, je serais presque au bord de lui pardonner ce moment d’égarement.
De toute façon, je serai très claire: l’éternité, nue dans un potager, ce n’est pas une vie.
Ce qu’en revanche,  j’ai plus de mal à admettre, ce qui me heurte aujourd’hui et mériterait selon moi un bon coup de burin dans la gueule, c’est la réaction d’un Dieu ennemi qui  assène en dernier lieu, d’un air bravache et l’œil luisant, à la jeune  et craintive gourgandine, déjà suffisamment punie par la peine qu’elle a causée à son papa: 
« J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi. »  ...
(à suivre)