Rester soi, c'est une grande force (Michelet)
Nous en étions restés aux prémices du profond conflit sexuel opposant Adam, le premier mâle dominant de l’Histoire, et sa première épouse Lilith, la première ni pute ni soumise. Ca fait beaucoup de premiers, je sais, mais il s’agit de mettre en exergue le côté fondamentalement fondateur de ce mythe. Je me propose de vous rappeler en passant que toute cette histoire est absolument véridique, comme tout ce que je raconte par ailleurs.
Adam faisait donc une petite fixette sur la position dite du missionnaire, ce qui n’était pas du goût de sa belle. Une fois de temps en temps, d’accord, ou alors pour en finir, quand ça s’éternise inutilement ou que visiblement l’étincelle ne prend pas. Malgré tout, Lilith considéra très tôt que leurs rapports gagneraient vraiment à s’égayer, nécessitant une implication mutuelle dans une relation tendant à plus de fantaisie. Elle pensa baser leurs efforts sur une certaine diversification des postures, investigation des corps et découvertes des possibilités multiples qu’ils offrent au niveau du ressenti.
Exposant à sa moitié ce programme d’envergure au cours d’un dîner indien, composé principalement d’agneau sauce Madras, un plat bien relevé par un mélange de vingt-quatre épices, secret familial du chef, pour les amateurs de sensations fortes, elle se vit à nouveau opposer un net refus, sous le prétexte fallacieux qu’un homme ne saurait s’abaisser à se retrouver à la merci du pouvoir sexuel de sa femme. Est-il nécessaire de préciser que pourtant les godes-ceinture n’existaient pas encore, et qu’on ne lui suggérait, après tout, et pour parler pudiquement, qu’un léger retournement de situation à l’occasion. Rien de bien burlesque, en somme.
Pourtant, Adam n’admit ni compromis ni discussion.
Ni une, ni deux, Lilith mit les voiles: bord de mer, grotte sous-marine, exil pour l’éternité, séances de baise endiablées avec des créatures démoniaques entraînant pour la jeune jouvencelle une réputation certes foutue, mais assortie d’une découverte pour le moins jubilatoire, à savoir la stimulation clitoridienne en tant qu’alternative aux maux de tête.
Parallèlement, un aïeul d’Adam, assez connu pour avoir fait carrière sous le nom de Dieu le Père, un peu mâle dominant sur les bords lui aussi, lui refila alors un coup de main, histoire de l’aider à oublier cette femme sublime et arrogante n’en faisant jamais qu’à sa tête. Il lui fit jaillir des côtes une nouvelle petite amie, Eve, par essence destinée à ne pas moufter (hum hum, toussotement gêné), et l’assurance du patriarcat comme mode universel du fonctionnement de l’Humanité.
Lilith fut rapidement oubliée, tantôt assimilée à une femme fatale poussant les couples à la faillite, tantôt à une sorcière lubrique mangeant les nourrissons et par là même un peu communiste, tantôt à un symbole féministe décadent et par là même un peu lesbien.
Elle reste une déesse-mère, justifiant l’égalité des femmes et des hommes.
Maîtresse femme indépendante et libre, toute jeune fille portant son nom (en deuxième position, faut pas exagérer) sera vouée à une belle vie, pleine d’assurance, d’intelligence, de fierté et de force.
Amen.
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