samedi 15 juillet 2006

J -5


Qu’il est doux le temps de traverser la France au prix d’un compte en banque grevé par le coût de l’essence à la pompe, et qu’il sera doux le temps de m’alanguir, vaste que je suis, le giron plein d’une jeune fille qui gigote et aspire à transformer sa mère en délicieux loukoum vivant, sur les rivages mystérieux d’une mer d’Iroise réputée pour son danger et sa houle mortelle.

vacancesC’est sur cette plage de sable fin, aux confins du Finistère, des bouts d’algues entre les orteils, que s’épanouissent à plein et ma pimpance, et mon sybaritisme. De longues journées rythmées par la faim, le sommeil et les jeux d’eau, d’interminables heures de lecture sous le soleil bigouden trop souvent raillé par nos contemporains mais dont la réalité n’a de cesse de colorer nos peaux maladives d’une année passée dans le climat perfide d’une ville maudite, mais fort fleurie.

Faut-il être bête comme un trou pour ne pas savoir savourer ces trésors que sont le port puant du Guilvinec, la rocade irrationnelle de Quimper-ouest, l’arrogance taciturne de la caissière du 8 à 8 de Pouldreuzic, qui ouvre à 9 et ferme à 6, le goût douteux de mon amour pour le tournoi de tennis de table du premier week-end d’août…

Que serait ma vie sans ce fumet sublime qui chatouille nos sens à l’approche du large, moitié huître, moitié vent, une bonne odeur de marée en somme ?

Dans la voiture déjà, pleine d’oreillers et de glacière, tandis que nous chantons à tue-tête des airs gais de groupes anglo-saxons fort populaires, une alchimie se produit, dès que les cheminées bretonnes se laissent observer sur le bord des routes, s’élevant pleines de promesses de chaque côté des façades blanches aux volets bleus, uniquement dépareillées par la couleur des buissons d’hortensias, changeante selon la terre dans lesquels ils sont plantés.

L’aboutissement de nos espoirs estivaux est déjà atteint à la première bouchée de crêpe au froment, largement tartinée de beurre salé et de confiture aux fraises de Plougastel.

Le reste n’est qu’une succession de petits délices mis bouts à bouts. La course folle des garçons après une bouteille en plastique qui s’envole semble-t-il jusqu’à la pointe de la Torche. Mon matage quotidien des maître-nageur de Penhors qui se douchent devant leur cabane de surveillance avec un tuyau démesuré, symbole phallique très troublant, et qui donne franchement l’envie de se noyer, même à moitié (enfin surtout à moitié). Les séances de torture matinales que nous infligeons aux Bernard l’Hermite ramenés sur la plage par l’écume polluée. Les crevettes décortiquées sur les pages d’un Voici plein de photos de femmes topless que je ne connais pas mais dont les tétons sont assez effrayants, ce qui est toujours rassurant, va savoir pourquoi. Les parties de Trivial Pursuit, sans vin blanc cette année du fait de mon ventre plein, mais le cœur y sera. Les trois filles adolescentes de la voisine que j’appelle « les petites princesses » ou « les reines de beauté », que lui surnomme « les bombes anatomiques ». Estivale et gratuite cruauté. Et encore d’autres, de joies simples : les siestes sujettes à caution. Les coups de soleil. Les moules-frites. La promenade à Argol. La descente à la librairie pour repartir les bras chargés de romans insensés. Nous trois en train de vomir par-dessus bord pendant le maritime voyage vers l'Ile de Sein. Jujumickaël. Le manoir de Kerazan. Les questions existentielles auxquelles on ne peut répondre sans accès à internet (Tchéky Karyo joue-t-il dans « l’Ours » ? qu’est devenu Edouard Chevardnadze après avoir succédé à Gromyko à la diplomatie soviétique ? quel est le pourcentage de gauchers dans le monde ?).
Les gavottes au cheddar.

Voici comment s’annonce l’été rédempteur, qui commence au premier péage et s’achève à la dernière lessive.

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