Le sein dans l'histoire

Gabrielle d'Estrées et la duchesse de Villars

Hommage appuyé à G.L., poulette nouvelle.
photo57Je vous vois venir, je vous connais comme si je vous avais fait (humpf).
Non, ce ne sont pas deux cochonnes en goguette qui se flattent mutuellement l’existence à l’heure du bain. Enfin, si, un peu, d’accord. Mais elles sont sœurs, voyez, alors ce n’est pas bien coquin (si ?).
Le tableau date de 1594, je précise car ça explique leur coupe de cheveux aléatoire, et l’oeuvre est conservée au Louvre, dans des conditions de sécurité optimales, si ça vous intéresse.
Gabrielle, belle ingénue, a rendu fou d’amour le Vert Galant, ce bon roi Henri IV, vous savez, celui du panache blanc et de la poule au pot ; passionné, impétueux, d’un caractère bonhomme, il ne fut pas difficile de le séduire pour la jeune femme, car elle était douée d’un esprit disert et drôle et cynique à faire pâlir Marguerite de Valois (l'officielle), assorti, comme vous avez l’honneur, d’une mignonne petite paire de nichons. Doublé gagnant, en quelque sorte (nous sommes si peu nombreuses) !
Petits points d’analyse du tableau
Le mouvement main-téton-chaton, par exemple, (oh ! permettez ! « chaton » c’est la pierre de la bague) évoque avec effronterie les larges faveurs accordées à Gabrielle pour son attitude peu farouche.
Et puis, regardez donc au-dessus du manteau de la cheminée, au fond, eh bien voilà une sympathique paire de jambes nues et généreusement ouvertes. Bien entendu, ce qui nous intéresse, ce sont les seins, pas les guiboles, et aujourd’hui en voilà quatre d’un coup, mais je trouve ça intéressant, non ? L’artiste par là nous dit qu’il se moque de la bienséance, et qu’une pétulante nudité se cache dans la baignoire, et qu’après la pose, ça risque d’être la fête au village, ce pourquoi la couturière au fond baisse pudiquement le regard et se fait discrète (question d'éducation).
Les deux frangines s’acoquinaient-elles de la sorte régulièrement, accompagnées d’amies mamelues ?
Vous constatez par vous-même que pour des fieffées coquines, elles n’ont pas l’air tellement à la fête dans leur délire saphique, mais l’ambiance théâtrale (le rideau carmin, voyez), ça devait pas aider pour mettre à l’aise, et puis le chauffage central n’existait pas.
Attitude maniérée ? Détrompez-vous ! Maniériste !
Enfin bref, je suis un peu désappointée de devoir vous avouer qu’on ne sait pas grand chose sur les tendres épanchements de Gabrielle d’Estrées pour ses copines ; à vrai dire, c’était juste pour amuser Henri, car quoi de plus charmant pour une femme que de faire rire son chéri ?
Récolter quelques détails sur les soins les plus délicats de cosmétologie du nichon en usage à cette époque
Afain que charmement délite vostre dru, ébreneys vostre aypiderme du seins, fragile, gent et délicat, montois à toche le blan de l’œuf come neigerie, et mesler l’eau de rose et de bles moulinnez, enduire le pavois della courtoise en evitant teytine dufait de sa delicatece apres quoi delayer a l’eve en rude froidure. Icelle dans le respect de ce principes merritera joliesse et jouvence, et content !
Débrouillez-vous avec ça, j’ai envie de dire !
Quand j'y pense... m’est avis que vous vous demandez encore laquelle des deux est Gabrielle? Eh bien par goût et conviction politique toute personnelle, j’aurais préféré qu’une si amusante personne soit brune ; de fait, c’est la blonde : personne n’est parfait, mais après tout, je vous le demande, un nichon peut-il être blond ?
(hmmm la chute du Diable!)




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Diane de Poitiers (1499- 1566)

dianeEntrée à la cour avec un retard tout relatif du fait des égarements politico-stratégiques de son papa, Diane réussit malgré les suspicions à faire valoir sa nature agréable en tant que dame de compagnie de la reine, Claude (vous connaissez sûrement l’histoire de la Reine Claude qui a donné son nom à ces petites prunes jaunes délicieuses, très bien accommodées en groumbel par exemple) (groumbel est le nom en saxon du « crumble » que nous connaissons aujourd’hui ; cet usage étant en vigueur jusque très récemment dans certaines contrées, pour des raisons de cachet historique nous avons préféré conserver ce vocabulaire certes un peu désuet mais si plein de résonance contrapuntique !).
A l’occasion d’un voyage vers l’Espagne, Diane rencontre pour la première fois celui qui n’est alors que duc d’Orléans (enfin, « que », c’est déjà pas si mal), le jeune Henri, qu’elle supplante déjà de son aînesse de vingt ans tout de même, mais maturité associée à galbe parfait sont des mots clés pour une vie, tardive mais méritée, de bonheurs coûteux.
En fait de voyage d’agrément, d’ailleurs, la rencontre a pour l’instant un bien sombre cadre, puisqu’il s’agit d’une escorte vers l’exil qu’Henri et son frère vont subir en tant qu’otages durant quatre ans, le temps que François Ier se décide à payer la rançon.
Déjà là, ça en impose, je trouve.
On dit que cette période, au demeurant pleine de faste et de bien-être car on savait la dignité, et le respect de l’honneur de ses ennemis à cette époque-là, voyez-vous, cette période disais-je, aurait marqué le futur roi de son lourd poids d’airain, lui forgeant un caractère secret et mélancolique, ombrageux et romantique.
Associons à cela la lecture intensive de romans d’amour courtois (Amadis de Gaule, je ne sais pas si vous connaissez) , pleins d’idéal chevaleresque, qui par ailleurs me fascinent également à titre personnel, mais là n’est pas le propos. Point de surprise, donc, de le voir s’amouracher de cette femme que le destin lui désigne comme la dame élue, somptueuse, sportive, pleine d’esprit, de fantaisies verbales et de curiosité intellectuelle, dont le corps ravissant fut immortalisé avec délice par de nombreux peintres de cour : Diane au bain, Diane à la chasse, Diane à sa coiffeuse sponsorisée par Jacques Cœur, une sorte d’ancêtre de Cartier si vous voulez (comme nous la voyons ici représentée, dans cet espace plein de retables baroques, de petits sacs en peau de loutre, et de pierreries éblouissantes).
Convaincue par la festive vaillance de son chevalier idéal, éblouie par ses largesses, et retenue par son indéfectible loyauté, Diane de Poitiers a su marquer l’Histoire, qui le lui a bien rendu en n’ayant jamais oublié ses altiers nichons.
Initiatrice amoureuse, ambassadrice de charme, symbole de la Renaissance à la française, première sur les rangs pour toutes les opérations de prestige nécessitant une brillante légèreté (mécène et amie de Benvenuto Cellini, le Primatice, Du Bellay, Saint-Gelais…), de nombreuses légendes circulent sur sa personne, et sur ses méthodes de coaching physique (elle a tout de même trente-sept ans et quelques enfants quand elle charme le jeune roi, et soixante ans quand elle se retire à la mort de ce dernier en 1559, alors on n’improvise pas dans ces conditions-là, même au XVI ème siècle).
D’après les sources, sa délicieuse poitrine traversant les ans sans coup férir en serait redevable aux bienfaits de bains de lait de chèvre les jours de shabbat, à des cours de musculation abdominale au Moulin du Galant Muguet de Beaumont-le-Vicomte dont les spécificités nous échappent encore, puisqu’il ne reste que très peu de traces écrites à ce sujet, et à un goût immodéré pour le port de parures de joailleries toutes plus exubérantes les unes que les autres (avec une nette préférence pour les colliers dix-huit rangs de perles d’or, que l’on aperçoit dans son coffret d’ivoire, d’ailleurs, sur le tableau présenté). « Investissez dans la pierre, votre poitrine vous le rendra » semble nous glisser la belle Diane, devant son joli miroir de maître dont le socle sculpté évoque sa royale passion, l’œil malicieux, le sourire énigmatique et les mains délicates flattant tout à la fois la jeunesse de son cœur et la préciosité de son destin.








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Olympia

olympiaRegardez donc cette toute petite chose qui doit faire pas loin d’un mètre quarante-sept, l’insondable profondeur de ses grands yeux noirs, cette chevelure de feu, ces oreilles, eh bien, intéressantes, ces petits doigts boudinés, son petit ventre rebondi, ses jambes potelées, ses épaules délicates, et… le reste, oui, bien entendu, pas d’affolement, nous y viendrons (comme souvent, nous nous nounoyons aujourd’hui).
En colo à Gérardmer (dans les Vosges), au cœur de collines perclues de jonquilles, les garçons lui donnaient toujours les petits cubes d’emmenthal qu’ils trouvaient dans leur salade mêlée pour lui prouver leur dévouement, et lui assurer que oui, c’était, sans conteste, bien elle la plus belle. Celui qui se montrait le plus prodigue gagnait le droit de regarder ses culottes Petit Bateau, et ses nichons ; elle leur aurait bien concédé une séance de galoches en prime, mais à l’époque elle ne soupçonnait pas l’existence de telles pratiques, voilà le lot des enfants surprotégés par des parents envahissants.
La charmante Victorine jouissait donc déjà très jeune d'une nature généreuse et sans fausse pudeur, et tout naturellement, vers quinze ans, elle offrit, dans un élan de fulgurance bien compréhensible au vu de son âge sensible, son cœur et son corps au bel Edouard M., l’artiste le plus talentueux de son temps selon Baudelaire et nous-même.
Il n’avait jusqu’alors pas eu la vie facile, le pauvre, parce que tout son travail déclenchait l’effroi, l’hilarité, la stupeur et même l’émerveillement (mais honnêtement ça, c’était plus rare).
L’assidue fréquentation de la jeune Victorine rassurait un peu l’homme légèrement neurasthénique (c’est la croix de tous les grands génies, que voulez-vous), car elle avait toujours le mot pour rire et aimait faire l’originale, ce qui était un agréable moyen d’animer le quotidien.
Par exemple, elle traînait dans son sillage un petit chat de gouttière, noir comme la mort qui répondait au doux nom de Marcelle Appenzzell, parce qu’elle trouvait que ça donnait un genre sorcière chic et marrant (d’ailleurs on aperçoit la bête effarouchée au bout du lit, regardez bien, Edouard avait le sens du détail, ça compte, dans la vie d'un peintre). Il faut dire qu’il aurait eu du mal à l'oublier, la petite chatte, vu le bruit insupportable qu’elle faisait la nuit en grattant les portes, jusqu’à ce qu’on lui ouvre et qu’elle se mette à grignoter avec soin les boucles de Victorine, qui connaissait déjà assez de soucis comme ça avec ses cheveux la pauvre.
Ainsi donc, elle avait de la vie plein les seins, et Edouard les aimait, et voulait le crier au monde, ce qu’il fit ; en retour on l’a hué, on l’a méprisé pour cette nudité crue et naïve , on lui a dit des horreurs, vous savez, même Zola y est allé de ses petites phrases vilaines, et le Salon de 1865 reste un bien mauvais souvenir pour Manet et Victorine (imaginez-la !), quoique ce ne soit pas le seul, Dieu protège leurs âmes tourmentées.
Après cette douloureuse expérience, Victorine est partie seule faire le point pendant quinze jours au Club Med de Marrakech, en sirotant des Maï-Taï on the rocks apportés par un boy du cru fortement impressionné par la manie du topless de la jeune fille qui n’aimait pas tellement les zébrures sur la peau (au cas où elle ferait à nouveau la modèle pour un autre impressionniste, à Giverny, l’hiver venu).
La suite de son histoire, il ne m’appartient pas de vous la révéler, mais sachez que si ça s’est vraiment mal fini (elle montrait des singes sur la butte Montmartre, vérifiez si vous voulez), sa poitrine fut épargnée, et le médecin-légiste chargé de clore le dossier en parlait encore, mémoire vivace et larme à l’œil, bien des années après.




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La Vénus de Milo, ou le divin sein

France_Paris_Louvre_Venus_de_Milo
Je sais bien à quoi vous pensez, au sujet de cette pauvresse.
A quoi sert d’avoir des seins de la sorte si on ne peut pas se les tripoter en douce et les flatter de la paume comme de beaux fruits bien mûrs?
Evidemment.
Elle a suffisamment mal vécu sa célébrité dans cet état, que croyez-vous, alors franchement c’est pas la peine d’en rajouter, et puis vous-même, ne souffrez-vous pas d’un quelconque complexe, hein, une petite infirmité honteuse de derrière les fagots, allez avouez, la tuyauterie pas toujours à son top niveau, n’est-ce pas, alors ne la ramenez plus avec ses bras qui n’aimeraient rien tant qu'être ballants, et puis si d’aventure un jour j'écrivais  un blog ayant pour thème unique, central et définitif les bras, eh bien je vous raconterai ce qui leur est arrivé, je sens que vous brûlez de le savoir!
EnPied
Voici donc l’histoire à bras raccourcis (elle est bonne! dommage qu'elle ne fasse pas le ménage!) (c'est une blague des années 80!), car je sais que vous n’aimez rien tant que la concision et la clarté, de la Venus de Milo.

Déesse de la beauté et de l’attirance sexuelle, souvent vilipendée pour sa légèreté, considérée comme irréfléchie et frivole, (mais quelle femme ne l’est pas ?), Venus rend le monde amoureux, en proie aux désirs et aux passions les plus sensuels, apporte des joies exquises comme des plaisirs les plus raffinés aux êtres les plus avides d’expériences ultimes.
Curieusement mariée au plus laideron d’entre les laiderons boiteux (un problème au genou depuis l'enfance), Vulcain (c’est son sens de la provocation qui est à l’origine de ce curieux mariage), elle est célèbre pour ses nombreuses aventures extra-conjugales, notamment avec le sexy en diable Mars, brun ténébreux et fort lippu.
Cela dit, ce qui nous intéresse aujourd'hui, ce sont ses seins, car l'originalité de ce blog historien, si vous ne l'aviez pas encore compris, est de vous éclairer par le petit bout de la lorgnette.
Or donc, il semble bien que la femme qui a posé pour le fameux sculpteur chypriote Yorgos soit l’enfant de l’amour de la véritable déesse Venus.
Comme vous avez l’honneur si vous avez un peu de lettres, les dieux grecs comme les romains aimaient à goûter des joies simples mais coupables avec tout un bestiaire souvent fécond, et donc notre modèle du jour, la douce Phoebe, si elle sortait du giron de notre déesse, avait été conçue grâce au concours d’un dogue allemand tout gris, au poil luisant car bien nourri.
Elevée par Yorgos lui-même, car Venus avait d’autres chats à fouetter (façon de parler si vous voyez ce que je veux dire), dans l’île de Milo, au cœur de la Mer Egée, c’est bien la natation qui a su faire de son menu et mou poitrail d’origine l’athlétique et altière paire de seins qui a servi à magnifier la mémoire sa somptueuse et divine maman.
Voici donc où je voulais en venir (soupir de soulagement des illettrés qui ne lisent jamais plus de huit lignes d’affilée).
DeDos










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Agnès Sorel, ou le sein jeune et dissolu

Couvrez ce sein que je ne saurais voir :
Par de pareils objets les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées.
agne_ssorel
Née en Touraine en l’an de grâce 1422, de bien petite noblesse et fort tôt déflorée, débauchée du siècle, courant effrontément le guilledou, et peu farouche jusque dans ses poses pour les artistes officiels (voir le fort célèbre tableau représenté ci-avant), Agnès Sorel fut la première femme à obtenir le statut de favorite officielle du roi (Charles VII, mais qui s’en soucie ?).

Pleine de sa libéralité de mœurs, et la poitrine altière, fière et exubérante, elle réussit le délicieux exploit d’éveiller à la sensualité un homme pour qui, eh bien, c’était pas gagné (voir ci-après, le roi en question, bourré de complexes).
charles7
Entre autres espiègleries acrobatiques, il se murmure que Charles n’aimait rien tant que déverser sa royale semence sur la poitrine tourangelle.
Afin de remercier sa frivole amie, et ça ne s’invente pas, le roi la fit rapidement châtelaine de Loches, puis Dame de Beauté-sur-Marne (et accessoirement comtesse de Penthièvres mais c’est nettement moins rigolo).
En public également, la belle Agnès se plaisait à assumer sa féminité, affichant un culot et un goût de la provocation à nul autre pareil, comme en témoigne un chroniqueur de l’époque : « Et de tout ce qui à ribaudise et dissolution pouvait conduire en fait d'habillement, de cela fut-elle toujours produiseuse et montreuse ; car se découvrait les épaules et le sein par devant jusqu'au milieu de la poitrine. »
Cependant, bien que ce ne soit pas notre propos ici, sachons rendre à César, et n’oublions pas qu’Agnès Sorel semble avoir fait montre d’une grande habileté politique, et fut un soutien incomparable au roi plongé dans le bourbier sanglant de la Guerre de Cent ans (de là à attribuer ces mérites à son joli poitrail, il y a un pas que je ne saurais franchir).
A sa mort trop tôt survenue, en 1450, elle laisse un Charles VII effondré, et sa réputation sulfureuse marqua de son sceau un règne délicat dans une France dévastée.
Qu’ajouter ? Parler, peut-être, des néfastes conséquences de cette vie dissolue sur le propre fils de Charles VII, le dauphin Louis XI, qui un jour de fureur se mit à poursuivre, épée à la main, Agnès à travers les couloirs de la maison royale, jusqu’à ce qu’elle trouve refuge dans le lit du roi. Il serait intéressant d’étudier le règne de Louis XI à la lumière psychanalytique de ces informations essentielles, car je vous prie de me croire que ce ne fut pas triste.
Voici donc, bien trop succinctement évoqués, je le regrette, mais c'est l'heure de déjeuner, les plus célèbres Nichons de l’Histoire.
Rassurez-vous, il y en eut avant, et après, des petits, des plus gros, des en poire, des athlétiques, des vieux flans, et ce sera avec une joie non feinte que je vous les rappellerai à votre bon souvenir.



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Geneviève Beaujeu dite la Madelon ou Beau Jolliet, épouse du seigneur Humbert du fait de son célèbre corsage

« Il est ben jolliet ton téton la Madelon », « Cré vingt dieu c’est drôlement jolliet c’qui fait hommage à ton corsage ! », « Allez ma Madelon, laisse moi lutiner ton jolliet et doux mignon féminin qui craquèle ta chemise, je te donnerai un louis d’or pour t’acheter du pain bis et des rubans ! ».
Voici donc ce que la fraîche et délicieuse Geneviève Beaujeu (que les hommes du cru appelaient Madelon par goût du vice) dû supporter dès prime jeunesse durant des mois et des années.
Lassée d’asséner à Jehan l’Achapoire, au nain Gaspard et même au bel Ysson L’Escouvillon de s’en retourner à leurs fermes et troupeaux de porcs voir si elle y étoit, jugée de mauvaise vie par le tout-puissant abbé de Cluny et sa troupe de dévotes ahuries, Geneviève prit la décision de quitter son village-rue, son bocage, et le modeste commerce de toile de jute de son père pour tenter sa chance à Lyon.
Tristesse et désolation, après ce départ précipité, dans le cœur des hommes !
Et de plus quelle déconvenue pour la jeune femme!
Quand on n’a ni protection ni saint patron ni formation de choix, survivre en état d’honneur était bien difficile, trop difficile, avec tous ces marchands, ces imprimeurs, ces artistes et ces canuts et il ne fallut pas longtemps à notre jeune amie pour s’en retourner au pays, claquant la porte de son bouchon, dans l’espoir de retrouver un peu de quiétude et de joies simples.
corsageSeulement, dans sa chère vallée de l’Ardière, personne ne l’avait oubliée et dès qu’un petit pouilleux du coin l’aperçut dans la charrue bourrée de chaume qui la ramenait à bon port, il se mit à crier à la cantonade pour avertir la populace villageoise: « Vlà le beau jolliet qui s’en revient ! caca boudin ! ».
Et c’est ainsi que recommença l’agaçante valse des prétendants à la porte de Geneviève.
Le seigneur du castel de Pierre-Aigüe eut vite écho de ces nouvelles joyeuses, lui qui ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam la légendaire Madelon au téton jolliet, Geneviève si vous avez suivi, mais désormais évoquée par l’expression du petit pouilleux, « Beau Jolliet ». Le seigneur Humbert, en révolte contre son paternel qui, jugeait-il, traitait bien mal ses sujets (lesquels se vengeaient bien en foutant le feu à toutes les calèches de la région, bien qu’il n’y ait pas eu à cette époque de polygamie avérée dans leurs domaines, fort pieusement chrétiens, s’il en est), aimait à se montrer proche du manant.
C’est ainsi qu’il rencontra Geneviève, ce fameux « Beau Jolliet » de la vallée de l’Ardière, et enivrés d’amour dès les premiers instants, ils se marièrent sous des lilas et eurent beaucoup d’enfants, mamelus joliment.
Devenus au grand bonheur de tous les plus hauts dignitaires de la noblesse du patelin, on continua longtemps à appeler ce couple de l’amour les « Beaux Jolliets », et, curiosité de l'Histoire, ce nom est resté, transformé par le temps en « Beaujolais » .
Vous l’aurez compris, ce sont leurs vignobles qui aujourd’hui nous abreuvent chaque année de gros rouge à la banane, pour la plus grande fierté de… euh, de personne, en fait.



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T'as un tabernac de beau p'tit body!

Voici l’image d’un couple improbable, car doublement mamelu, comme vous avez l’honneur.
photo802zn1Cette sculpture funéraire d’une facture peu fantaisiste cache en réalité le secret d’une romance burlesque et passionnée, mais ne comptez pas sur moi pour vous apprendre plus que nécessaire, non pas que je sois paresseuse (quelle idée saugrenue), disons plutôt, eh bien, respectueuse. Jetons donc avec éclat un voile pudique sur le délicat secret de leur intimité, et sur la flamme enamourée que l’on devine encore malgré la terne froideur de la pierre noire.
Ainsi, reprenons le fil de leurs nichons.
Le jeune homme à votre gauche, celui-là même qui porte une coiffure qui a connu son heure de gloire dans l’ex-Allemagne de l’Est, n’a pas toujours été l’époux à la lourde poitrine de sa jeune voisine gâtée par la nature, vivant sous la XVIII Dynastie du nouvel Empire (entre 1550 et 1069 a.C. rappelle-je). Non.
Pour commencer, il était plat comme une limande, ce qui est toujours fort courant pour les mâles dominants d’aujourd’hui. Vous allez apprendre comment, grâce à l’amour et au mariage intéressé, il s’est découvert de palpables capacités poitrinaires, dans la joie mais aussi, en fin de compte, dans la douleur.
Malgré une vulgaire formation de scribe, Geb (c’est son petit nom) a réussi à devenir secrétaire d’ambassade extraordinaire du pharaon Thoutmosis IV (vous pouvez vérifier). C’est ainsi qu’il a été amené, on ne sait trop de quelle façon, vous imaginez ce que c'est, les temps immémoriaux, à fréquenter l’intelligentsia québécoise de l’époque, qui lui apprit au cours de festoiements délétères, un nombre incalculables de sacres du pays, du type : tabarnac percé, hostie toastée, câline de binne, enfant de nénane Esti, jésus de plâtre, torbinouche.
Grâce à ce savoir exotique, il n’eut aucun mal à faire rire en lui assénant finement un « T’as un tabernac’ de beau petit body ! », et donc à séduire, la charmante Nekhbet, reine de la night et du décolleté en drapé mouillé à Louxor. Les femmes étaient peu regardantes à l’époque.
Héritière d’une dynastie de riches prêtres-médecins et propriétaire de vastes champs d’orge destiné au commerce et aux offrandes, elle avait aux yeux de Geb nombre d’atouts qu’espèrent toutes les personnes sensées : charme, nichons, pognon.
Bref, ils se marièrent et vécurent richement, comblés par les Dieux. Et c’est ainsi qu’il devint un paysan plus qu'aisé, aimant à ce point la boisson sacrée des Dieux, la bière Fayrouz (turquoise en arabe) que des mamelles somptueuses lui poussèrent après la cru du Nil de 1400 a.C. … Il en était tout content, et elle aussi, avouons-le. D’un autre côté, la piètre qualité de la bière lui refilait des maux de tête insensés le lendemain de ses sauvages beuveries, maux qui le poussèrent subitement à se donner la mort ; la douce Nekhbet le suivit dans ce choix douloureux, car elle ne pouvait imaginer vivre sans lui, sa peau, ses mains, ses seins.
Ne les jugeons pas.



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Le courage ceint d'un sein, ou Judith étêtant Holopherne

Triomphants d’incompétence, les Anciens de la belle cité de Béthul, assiégée par l’armée du roi Nabuchodonosor (c’est l’occasion de vous rappeler que le Nabuchodonosor, de nos jours, est un contenant de vin de Champagne équivalant à pas moins de vingt bouteilles!), étaient un soir d’octobre prêts à capituler, abandonnant les habitants déjà meurtris par le trop long siège de la prestigieuse place de Judée .
Les soldats de l’armée assyrienne semblaient comme assomés par le long siège qui les avait rendu avides de vins doux du Delta et de femmes chaleureuses.
Cependant, ils n'en restaient pas moins assoiffés du sang de l’Ennemi, car leurs émoluments mensuels n’atteignant que difficilement le petit millier d’euros (je convertis, ça va), bien qu'ils aient franchement travaillé plus, avec ce siège pourri, et ils s’attendaient d’un jour à l’autre à de sauvages compensations en nature.
On comprendra qu’éloigné et de sa famille et de ses plants de glaïeuls, le quidam en faction n’attendait rien de moins qu’un peu de dévergondage à l’œil pour assurer de son indéfectible docilité, tout en rêvent de combats glorieux sous le soleil de midi.
Ainsi, tout le monde se désespérait de passer du bon temps, les délices de l’été indien suscitant désir de lascivité et paresse inattentive.
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Le temps coulait nonchalamment, l’agonisante capitulation des Juifs guettait insidieusement, les Assyriens s’apprêtaient à festoyer dans la rage et l’ivresse, et seule une beauté du cru, le sein encore alerte et la mine grave, s’apprêtait en secret à déranger le cours des choses.
C’est en effet, le cœur plein de rage, et portée par un inébranlable courage, que la  valeureuse Judith a marqué son temps et son peuple de sa farouche détermination.
« Je m’insurge ! » tonna-t-elle de toute sa somptueuse puissance, dans la salle de conférence de l’Hôtel de Ville où se calfeutrait la délégation des Anciens prêts à sacrifier leur cité désormais vaincue. Les vieillards pantelants, visages émaciés et ridés jusqu’au sol, frémirent pendant un long moment, mine de rien, à la vue de cette délicieuse créature, fort légèrement vêtue d’un lamé or d’une rare délicatesse.
Quand vous êtes un mâle dominant, quel que soit votre âge, l’expérience du frisson supplante toute autre considération, surtout si elle est accompagnée d’une jolie paire de nichons, et Judith l’avait fort bien compris. On lui laissa donc toute latitude pour organiser une ultime tentative de terrasser l’armée assyrienne en ébullition.
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A la nuit tombée, la tumultueuse insurgée se faufile dans l’antre dionysiaque du général de cette glorieuse armée, j’ai nommé Holopherne.
Etourdi par la vue sensuelle qui s’offre à lui, le militaire en tenue, charmé par sa visite et inconscient du risque qu’elle représente, continue de s’enivrer de plus belle ; bientôt incapable de faire trois pas devant lui, celui qu’on nommait dans son dos «le sphinx aviné» s’écroule aux pieds de notre héroïne. Laquelle pria une dernière fois tout en attrapant avec vivacité une cimeterre (terrifiante épée à lame courbe) qui traînait là. «Rends-moi forte en ce jour, Seigneur, Dieu d’Israël!» .
1598_judith_decapitant_holophernes__gn_roma
Judith, dont le palpitant fait alors exploser son corsage, libérant de la sorte deux seins vivants et libres comme le peuple de sa cité dorénavant, tranche la tête du soldat écroulé dans sa débauche, puis ramène le fruit de sa tuerie à l’intérieur des portes de sa ville, qui l’encense de bon droit.
« Fasse Dieu que tu sois éternellement exaltée et récompensée de mille biens, puisque tu n'as pas ménagé ta vie quand notre race était humiliée, mais que tu as conjuré notre ruine en marchant droit devant notre Dieu."
La morale obscure de ce haut fait biblique et historique, est que le sein qui cache un cœur courageux se retrouve toujours récompensé, et jusqu’à la mort reste altier, ce qui n’est pas rien, croyez m'en


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Lilith #1

Maman, nous te devons tout, mais nous t’aimons, simplement parce que tu es maman.
lilithetadamCette histoire est méconnue, ce que je ne m’explique pas, car pourtant elle est source de tout.
Elle commence il y a bien longtemps, lors d’une matinée de septembre, identique à celle d’aujourd’hui, petite pluie fine, vent doux, nuages bas ; un jardin à l’anglaise, foisonnant, désordonné, irrégulier, une promenade libérée des contraintes, à l’image de la nature humaine ; un couple nu au cœur de cette luxuriance.
Lui est fringant, assez velu, et vierge : il s’appelle Adam. Il est naïf et influençable.
Elle est une ravissante personne au cœur tendre mais au tempérament passionné : son nom est Lilith. Elle porte haut les couleurs de son sexe (à savoir de beaux seins fiers et doux comme peau de pêche).
Ils ne se sont pas rencontrés sur les bancs de la fac, mais c’est tout comme. Ils sont les premiers êtres peuplant l’Eden (le premier district rural du monde chrétien), nés de la glaise d’un père divin qui les couve souvent d’un regard ému, quoique lubrique, du haut de son nimbostratus favori.
On croit souvent que dans les temps anciens, la vie à deux n’était pas encore marquée par les difficultés de communication. On a tort. En effet, Lilith et Adam, portés par une même foi pour l’amour éternel et l’intangibilité du lien matrimonial, en ont fait les frais (des difficultés de communication).
A SUIVRE...




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Lilith #2

Ne pas faire de mal, c’est peu. Faire du bien, c’est tout.
lilith2Or donc, Lilith et Adam s’égayaient quotidiennement dans les prés originaux, la vie s’écoulant au mieux, selon toute apparence. Déjeuner frugal, promenade digestive, sieste réparatrice, discussions enjouées, le soir au coin du feu, sur l’inintérêt d’entretenir une meute de chiens ou de faire bâtir en lisière de forêt, alourdies parfois par des sujets plus graves, comme l’angoisse d’une France d’après sous l’égide d’un immigré hongrois  ultra-libéral, autoritaire, policier et sans doute complexé par la taille de son sexe.
Une vie simple, en somme.
Mais cette entente idéale connaissait malheureusement des limites, toujours difficiles à admettre, plus encore à  surmonter.
Le lieu favori des ébats amoureux du jeune couple se trouvait judicieusement installé sur la souche d’un pommier, dont le jeune homme, taillé dans la masse tel un athlète du bloc de l’Est, avait supprimé les rameaux et les feuillages afin d’y préparer, à proprement parler, leur nid d’amour. Cette initiative lui était venue en se souvenant vaguement d’une légende grecque, à propos d’un valeureux marin qui avait ainsi installé la couche de son épouse dont il était follement épris, une prénommée Pimprenelle, ou Philomène, sur un tronc d’olivier. L’idée lui semblait romantique, il affectionnait tout particulièrement les symboles littéraires.
Ainsi, c’est dans ce lit unique qu’Adam et Lilith se sont bibliquement connus. Ce fut assez décevant, mais bon, pour la première fois, ça arrive à tout le monde. Les deux amants convenaient parfaitement qu’il leur fallait du temps et  un peu plus d’expérience avant de se mieux comprendre, sensuellement parlant.
Cet apprêt du lieu, tout décoré de fleurs  de lilas et de muguet, les préférées de la jeune femme, attisait la malice de Lilith, qui après avoir consciencieusement initié Adam aux joies de la maîtrise de soi, souhaitait en découdre avec impudence, pétulance, astuce, et avouons-le, un peu d’obscénité. Rien de bien choquant, je vous arrête, mais un peu de changement entretient la flamme.
De ce fait, par une belle après-midi ensoleillée, car elle était plutôt de l’après-midi, Lilith, la première femme de la Création, tout en titillant avec habileté les tétons d’Adam, de son côté également premier homme de la Création, lui glissa, déjà toute à sa joie : « Aujourd’hui, je reste sur toi, chéri, tu vas voir, ça va être géant. ».
Adam, éberlué, exprime aussitôt son avis, oubliant ses tétons durcis et son corps frémissant : « Ah m…ais pas qu… qu… què… question, j…  j… je suis l’homme, j… je po… porte pénis et rè… rè… reste… d… dessus  toi, c’…. c’est à m… m…moi de te pé… pé… pénétrer, et par là donc de te dominer ». Vous voyez le genre. Il était bègue, aussi, j’avais oublié de le préciser, mais ceci explique peut-être cela, n’est-ce pas ?
(à suivre)






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Lilith #3

Rester soi, c'est une grande force (Michelet)
lilth_johncollier
Nous en étions restés aux prémices du profond conflit sexuel opposant Adam, le premier mâle dominant de l’Histoire, et sa première épouse Lilith, la première ni pute ni soumise. Ca fait beaucoup de premiers, je sais, mais il s’agit de mettre en exergue le côté fondamentalement fondateur de ce mythe. Je me propose de vous rappeler en passant que toute cette histoire est absolument véridique, comme tout ce que je raconte par ailleurs.
Adam faisait donc une petite fixette sur la position dite du missionnaire, ce qui n’était pas du goût de sa belle. Une fois de temps en temps, d’accord, ou alors pour en finir, quand ça s’éternise inutilement ou que visiblement l’étincelle ne prend pas. Malgré tout, Lilith considéra très tôt que leurs rapports gagneraient vraiment à s’égayer, nécessitant une implication mutuelle dans une relation tendant à plus de fantaisie. Elle pensa baser leurs efforts sur une certaine diversification des postures, investigation des corps et découvertes des possibilités multiples qu’ils offrent au niveau du ressenti.
lady_Lilith
Exposant à sa moitié ce programme d’envergure au cours d’un dîner indien, composé principalement d’agneau sauce Madras, un plat bien relevé par un mélange de vingt-quatre épices, secret familial du chef, pour les amateurs de sensations fortes, elle se vit à nouveau opposer un net refus, sous le prétexte fallacieux qu’un homme ne saurait s’abaisser à se retrouver à la merci du pouvoir sexuel de sa femme. Est-il nécessaire de préciser que pourtant les godes-ceinture n’existaient pas encore, et qu’on ne lui suggérait, après tout, et pour parler pudiquement, qu’un léger retournement de situation à l’occasion. Rien de bien burlesque, en somme.
Pourtant, Adam n’admit ni compromis ni discussion.
Ni une, ni deux, Lilith mit les voiles: bord de mer, grotte sous-marine, exil pour l’éternité, séances de baise endiablées avec des créatures démoniaques entraînant pour la jeune jouvencelle une réputation certes foutue, mais assortie d’une découverte pour le moins jubilatoire, à savoir la stimulation clitoridienne en tant qu’alternative aux maux de tête.
Parallèlement, un aïeul d’Adam, assez connu pour avoir fait carrière sous le nom de Dieu le Père, un peu mâle dominant sur les bords lui aussi, lui refila alors un coup de main, histoire de l’aider à oublier cette femme sublime et arrogante n’en faisant jamais qu’à sa tête. Il lui fit jaillir des côtes une nouvelle petite amie, Eve, par essence destinée à ne pas moufter (hum hum, toussotement gêné), et l’assurance du patriarcat comme mode universel du fonctionnement de l’Humanité.
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Lilith fut rapidement oubliée, tantôt assimilée à une femme fatale poussant les couples à la faillite, tantôt à une sorcière lubrique mangeant les nourrissons et par là même un peu communiste, tantôt à un symbole féministe décadent et par là même un peu lesbien.
Elle reste une déesse-mère, justifiant l’égalité des femmes et des hommes.
Maîtresse femme indépendante et libre, toute jeune fille portant son nom (en deuxième position, faut pas exagérer) sera vouée à une belle vie, pleine d’assurance, d’intelligence, de fierté et de force.
Amen.

























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Eve, ou le péché originel #1

hugovandergoeskunsthistoricUne divine légende nous apprend que nous  devons moult complications de la vie quotidienne (notamment au niveau agraire et médical) à une petite écervelée à l’appétit démesuré, qui n’a pas su, en son temps béni, se priver d’une pomme.
La malheureuse !
Je veux dire, un Brillat-Savarin affiné, admettons.
Une barre géante de Toblerone, passe encore.
Ou même un kiwi, une tomate, du raisin doux.
Mais une pomme !
C’est fade, ça manque un peu de fantaisie.
Et puis ça fait pauvre.
Faut-il qu’Eve fut bien désespérée pour ruiner sa vie et celles de ses descendants pour un fruit  sans doute un peu acide, à la chaire granuleuse et dont la peau épaisse se coince entre les dents. 
Comme je me targue d’être quelqu’un qui a un grand sens de la compassion à l’égard des malheurs d’autrui, je serais presque au bord de lui pardonner ce moment d’égarement.
De toute façon, je serai très claire: l’éternité, nue dans un potager, ce n’est pas une vie.
Ce qu’en revanche,  j’ai plus de mal à admettre, ce qui me heurte aujourd’hui et mériterait selon moi un bon coup de burin dans la gueule, c’est la réaction d’un Dieu ennemi qui  assène en dernier lieu, d’un air bravache et l’œil luisant, à la jeune  et craintive gourgandine, déjà suffisamment punie par la peine qu’elle a causée à son papa: 
« J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi. »  ...
(à suivre)




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Eve, ou le péché originel #2

La grande question, celle qui prime avant toute chose, c’est:
«  Pourquoi ? ».
michel_ange1Eh bien je vais vous répondre, tout à fait simplement : il faut bien s’émanciper, dans la vie !
Les filles de basse extraction ne naissent pas avec tous les atouts dans la main, ça ne date pas d‘hier, et jaillir tout droit de la côte de son mari n’est pas ce que je qualifierais de naissance prestigieuse.
Il a bien fallu alors qu’Eve développe une forme de stratégie de contournement pour se découvrir un peu d’autonomie à prix peu ruineux, se voyant tiraillée  entre soumission ou transgression, et comme chacun  sait, la liberté se conquiert, et se gagne, à la force du poignet.
La volonté de  défier le Père pris corps en la consommation de la pomme, délicate métaphore de l’orgasme, réel péché originel (le serpent comme substitut phallique, la sève, l’expulsion du jardin après qu’ils en aient suffisamment joui, oui, oui, la  prise de conscience de la différenciation sexuelle, pudeur, culpabilité, l’enfantement qui suivra, etc) dans lequel elle entraîne son compagnon de fortune, ou d’infortune c’est selon où l’on place ses priorités, et ses petites joies, dans la vie.
Soit.
Et après ?
Et après, rien !
Aujourd’hui, avec le recul bien sûr, je conseillerais à Eve et Adam de s’asseoir dans un coin, sur un petit talus recouvert de mousse, pour boire un verre de Porto et discuter un peu de tout ça. Seulement, essayez donc de théoriser pour réfréner le besoin de passion et d’ardeurs sentimentales chez une femme !
Et puis, que voulez-vous ? Ce qui est fait est fait.


(à suivre)

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Eve, ou le péché originel #3 (et fin)

Nous en étions restés, je crois, à l’expulsion du fameux verger tentateur.
Voilà donc Eve qui n’a plus que ses yeux pour pleurer, comme dirait ma maman, une femme de poigne.
Saul Rodriguez, le spécialiste guyanais de la Genèse  me disait  justement l’autre après-midi, d’un ton badin, que l’on pourrait considérer la  devise d’Amélie Mauresmo* « Comme on rate tout ce qu'on entreprend, l'inaction est finalement le meilleur gage de réussite »  comme celle de notre Eve déchue, terrassée, battue et sauvagement  humiliée sur le terrain d’un éternel bonheur qu’elle n’atteindrait finalement jamais.
eve_rodin_jardintuileries_terrasseoccidentaleVous constatez grâce à la vision pleine d’empathie de monsieur Rodin (ci à gauche) que contrairement à l’idée reçue (feuille de vigne et compagnie), c’est sur sa poitrine que, réalisant sa faute, elle se replierait honteusement, prenant conscience déjà qu’elle deviendrait ce symbole visible embarrassant sa vie et celle de ses filles (nous autres), sa féminité engendrant bien des souffrances étouffées et des humiliations inutiles, face aux mâles, d’instinct gloutons de supériorité facile.
De son côté, aveugle parmi les aveugles, l’homme condamné au dur labeur (je ne vous apprends rien si vous connaissez bien vos classiques) s’est dit qu’il n’y perdait pas tellement au change en fin de compte, et que ça occuperait toujours ses mains les jours de temps beau, torse poil et bottes en caoutchouc, de passer la tondeuse dans le jardin et d’arroser les plants de sauge.

De plus, se réjouissait-il, sa pudeur ne serait plus heurtée par la vision pour le moins scandaleuse de l’épais popotin de sa douce se trimballant de ci, de là  (à ce propos, on le sait peu, mais Adam confia plus tard, avec toute la classe qui le caractérise, qu’il était d’ailleurs temps pour Eve de se mettre aux pommes, parce que la tartiflette ça va bien cinq minutes).
Bafouées, en larmes, enfantant dans la douleur, abhorrant le femelle en elles,   élevées dans le mépris de leur genre et se désespérant pour les siècles des siècles d’être nées mamelues, c’est donc ainsi que commençait le départ de toutes les femmes dans l’histoire de l’humanité ?
Toutes ? Non ! une grotte peuplée d’irréductibles femmes, et fières d’être des femmes libres, résiste encore et toujours à l’oppresseur. Et  la vie n’est pas facile pour les hommes des camps retranchés…**
* devise mise en pratique au quotidien, de l'Open d'Australie qu'elle gagna avec panache grâce aux insolations terrassant ses concurrentes jusqu'à feu Roland Garros de cette année.
** Eh oui.








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Pocahontas, ou Le nichon assimilé et les trois petits colons #1 John Smith

pocahontasPocahontas était une fringante jeune fille, brune et élancée, à la poitrine fort développée pour une enfant de son âge. Elle habitait avec sa maman et son papa,  un chef Powathan, dans une maisonnette faite de torchis, près d’un bois.
« Pocahontas », lui avait dit sa maman, « ne t’en va jamais seule au bois. On ne sait pas ce qui peut arriver dans le bois à une toute petite fille ».
Nous, nous le savons, n’est-ce pas ?
Il faut préciser que cette histoire s'est déroulée dans un pays plat, aussi plat qu’un plat mais assez loin d’ici, où se développa vers l’an 1608, la coquette cité de Jamestown, premier établissement anglais sur la côte américaine, après l’éphémère Roanoke Island détruite en 1591 par hostilité autochtone.
Bref, un jour, Pocahontas, comme elle se promenait à l’orée du bois, vit poindre sous les feuillages une touffe de boutons d’or, si jaunes et si brillants qu’on eut dit la couleur de soleil. Elle fit quelques pas hésitants dans le bois, et cueillit un petit bouquet de ces jolies  fleurs, inconsciente du danger qui se préparait. Un peu plus loin, elle vit un tas de violettes, plus charmantes et plus délicates encore que les boutons d’or. Elle fit quelques pas et les cueillit.
Et, un peu plus loin, elle vit tout un tapis de jacinthes, etc, etc. Elle courut, se mit à faire un gros bouquet, se souvenant d’un célèbre adage de sa tribu qui disait « plus c’est gros, plus c’est bon ». Si vous ne le saviez pas, vous constatez que les Powathan étaient un  peuple très raffiné, très distingué.
apr5_pocahontas_disney2Bref,  retrouvons notre malicieuse héroïne, moins d’une heure après, allongée à même le sol d’un tipi en toile de Jouy, cuisse à l’air, la langue râpeuse de John Smith fourrée dans le creux de l’oreille gauche, parce que son meilleur profil était le gauche, une de ses mains crasseuses malaxant avec énergie son téton droit (du fait d’un équilibre naturel des forces en présence).
Avec ça, pas de capote.
Mais, et vous êtes témoin, sa mère l’avait bien prévenue pour ce qui est du bois et de ses dommages collatéraux.
On ne l’y reprit plus.


Pocahontas, ou Le nichon assimilé et les trois petits colons #2 L'enlèvement

pocahontas_4L’hymen fraîchement malmené, Pocahontas, rose d’une émotion qui un jour lui serait familière, rentra chez elle, au village powathan  bercé d’une lumière chaude et enveloppante comme un drap de pilou pourpre.
Longtemps elle rêva de son bel inconnu, si bien qu’elle était fort impatiente de rencontrer à nouveau de ces petits colons, fussent-ils gâtés de la vérole, car ils portaient en eux, aux yeux de notre douce héroïne, l’espoir d’un nouveau monde, curieusement.


pocahontas7Ainsi donc, comme elle rêvait, un soir d’été 1613, les épaules plus tout à fait blanches, alanguie au bord de l’eau… Comme elle plongeait, sublime naïade, dans les eaux limpides du  Potomac… Comme elle sortait des ondes soyeuses, sculpturale et nue,  les seins raffermis par le bain énergisant, tétons dressés vers les cieux assombris d’épais nuages annonçant, pour les mystiques du village voisin, un drame sordide qui marquerait l’Histoire.
De Pocahontas, sous la lune, on eut pu apercevoir, si l’on était tapi dans les fourrés d’hibiscus, comme les deux colons édentés qui s’y trouvaient effectivement, sa musculature alerte, et sa peau dorée, sur laquelle s’écoulaient de luisantes gouttelettes d’eau fraîche  et vivifiante.
Sensibles à cette digne sauvagerie à l’état brut, les deux rouquins, qui n’avaient pas bougé durant tout le bain, et vaincus par la turpitude infernale du désir, les deux rouquins disais-je, comme un seul, se ruèrent sur la belle enfant et l’enlevèrent. En vérité, je vous le dis, ils en firent leur otage, en bonne et due forme, comptant sur l’avarice bien connue des Indiens d’Amérique, tant qu’on ne parle pas de scotch ou de whisky, pour se garder la petite pépée bien à l’abri. Sur le chemin les ramenant tous trois à la colonie, les deux rouquins imaginèrent le moyen d’organiser des tournantes avec leur proie, tout en conservant l’anonymat des participants, par un ingénieux système inspiré des cloisons japonaises, car on ne plaisantait pas avec la religion à cette époque-là.
PocahontasDe son côté, Pocahontas, voyant là un moyen providentiel de s’émanciper, de fuir l’assommante tutelle de papa et maman, et de constater que le vaste monde ne s’arrête pas au finage de Passapatanzy, se laissa embarquer, sans même tenter de se débattre, le cœur léger et le bagage mince, bien décidée à conquérir Henricus, la toute neuve colonie qui ferait d’elle une bonne chrétienne et une élégante jeune femme rompue aux us et coutumes britanniques (tea timehot cross bunsscones & double cream, brioches aux raisins, crumpets, cake aux fruits, sandwich au concombre, muffins au cheddar, agneau et mint jelly,welsh rarebit, bière, bière, bière) (voir le résultat ci-contre). 
Voulez-vous savoir si ces deux inquiétants personnages à la chevelure du diable et à la sexualité débridée vont réussir à accomplir leurs sombres desseins?
Pocahontas va-t-elle vraiment goûter aux joies de la sour cream?
Vous connaîtrez la réponse à ces angoissantes questions en lisant le troisième et dernier épisode de cette passionnante saga amérindienne...#3 REBECCA!




Pocahontas, ou Le nichon assimilé et les trois petits colons #3 Rebecca

mariagepocahontas
A Henricus, Pocahontas s’amusait drôlement avec ses nouveaux amis planteurs de tabac, qui ne connaissaient pas encore, heureux les innocents,  le danger qu’ils commençaient à faire courir à leur clientèle, car fumer tue, rend impuissant et jaunit les dents.
Elle s’amusait si bien, Pocahontas, qu’elle en oublia ses origines, et fini par accepter de se faire baptiser, renonçant tout à fait à son identité powhatan (vu que de toute façon personne ne semblait trop s’attrister de sa disparition, au village), se faisant désormais appeler Rebecca et épousant en 1614 un bel athlète féru de tennis de table, John Rolfe*.
Ils vivaient heureux, mangeant des muffins à l’heure du thé, faisant l’amour pendant la sieste de l’enfant (ils n’en eurent qu’un, Thomas, né en trente-six heures), et riant de leur bonheur sous le soleil couchant.


Pocahontas001Ils auraient pu vivre ainsi longtemps encore, mais c’était sans compter le danger qui se profilait, si proche d’eux.
En effet, le frère de lait de John Rolfe, Youcef, souffrait malheureusement d’un terrible dérangement psychiatrique peu connu à l’époque : il était bipolaire, et menaçait la vie de la jeune épousée de son frère, car elle lui inspirait désir et dégoût tout à la fois. C’est un matin d’été que John découvrit, dans la chambre du pauvre Youcef, une inquiétante quantité de post-it sur lesquels il avait tracé, maladroitement, de son écriture de zébu, les deux noms de Pocahontas et Rébecca.
Le sang de John ne fit qu’un tour, et se montrant pour une fois à l’écoute des angoisses de Pocahontas, il admit que la vie en Virginie devenait par trop dangereuse, et organisa le départ de sa petite famille vers de lointaines contrées. Honnêtement, il avait un petit faible pour le Pérou, mais Popo (comme il aimait appeler son amour dans l’intimité), elle, préférait s’en aller vers les cieux brumeux de Londres.

pocahontasCe fut dit, et c’est ainsi que Rebecca Rolfe, alias Pocahontas, découvrit la terre d’origine de son bon époux.
En Angleterre, où elle faisait figure d’incongruité exotique, elle revit un soir John Smith,au palais de Whitehall. Un léger malaise entre eux, un silence regrettable ; ils ne se revirent plus jamais.
Le climat londonien devait se révéler fatal à la santé fragile de notre belle amérindienne, qui mourut peu après son retour sur sa terre natale.
Sa vie mouvementée fut marquée par la violence des hommes. Elle mourut cependant dans la dignité la plus absolue, bien qu’elle ait un peu fait sous elle.
Nous espérons lui rendre aujourd’hui un vibrant hommage, en la rappelant à notre bon souvenir.

A la faveur d'un vote écrasant (2 "Sarkozy est une pute à cul**" à 0), j'ajoute une note d'historicité authentique (ou d'authenticité historique, comme on voudra) à ce docu-fiction de haute voltige.
*C’est ce qu’on appelle l’assimilation, c’est une grandiose façon d’intégrer les autochtones aux envahisseurs, par le biais de rapports sexuels non protégés et  d’acculturation, notamment linguistique et religieuse, afin de s’imposer sur un nouveau territoire conquis, soi-disant en douceur et  en tout cas durablement.
Alexandre le Grand fut le premier à utiliser cette méthode pour s’accaparer ses conquêtes, disséminant sur son chemin ses soldats qui épousaient des beautés du cru ; lui-même montra l’exemple avec Roxane, une princesse perse.
Hernàn Cortès, figure de la conquête coloniale d’Amérique latine, amorça le métissage biologique à des fins d’assimilation en épousant une indienne, la Malinche.
Jean-Marie Le Pen  a souvent dit qu’il était regrettable que cette méthode n’ait pas été utilisée en Algérie, qui serait alors encore française aujourd’hui, ce qu'il considère comme une riche idée, à mon avis il devrait prendre de la juvamine.
**Avant qu'on me demande pourquoi c'est écrit en gras et en rouge, sachez que j'essaie de diffuser des messages subliminaux, d'imprimer dans le cerveau des lecteurs, malgré eux, une vision juste, une vision de l'ordre juste.




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De la Révolution et des Nichons #1

Il est affreux, il est contraire aux lois de la nature qu'une femme veuille se faire homme. Depuis quand est-il permis aux femmes d'abjurer leur sexe et de se faire homme? Depuis quand est-il d'usage de voir la femme abandonner les soins pieux de son ménage, le berceau de ses enfants, pour venir sur la place publique dans la tribune aux harangues? La nature nous a-t-elle donné des mamelles pour allaiter nos enfants? La nature a dit à la femme : "Sois femme."
175px_ChaumettePierre Gaspard Chaumette, dit Anaxagoras, étudiant en médecine, membre du club des Cordeliers, porte-parole des populations les plus pauvres et voix de la rue parisienne, un des premiers à proposer la mort du roi, membre de la Commune révolutionnaire, homosexuel, "fouine à museau pointu, propre à tremper dans le sang" d'après Michelet, guillotiné le 13 avril 1794, sur ordre de Robespierre.











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Jehanne la Pucelle #1 l'ouïe fine

S'il est un personnage historique dont la France peut être fière, en dehors de Robespierre, il s'agit bien de Jeanne d'Arc.
Victorieuse et vaincue, vierge et guerrière, femme et meneuse d'hommes, pauvresse sauvant le roi, oubliée puis retrouvée, figure nationale entachée par l'extrême-droite mais symbole féministe par excellence, il n'est que temps, voyez-vous, que je me penche sur son admirable destin tout en contrastes et paradoxes.








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Née en 1412 aux confins d'une région affreuse, la Lorraine, dans le petit village perdu de Domrémy, la petite Jehanne (qui accusait alors, on le sait peu, un sérieux embonpoint qu'elle perdit cependant rapidement, la vie de guerrière étant plutôt sportive), la petite Jehanne, disais-je, taquinait le goujon, sans aucune prétention, avec une ligne souple en jonc, quand elle perçut, suintant jusqu'à ses oreilles rougies par le froid, une voix aigrelette lui assénant: "Tu ne mêleras pas ta semance à celle des bêtes!".
Interloquée, la jeune enfant gratta l'intérieur de ses oreilles à l'aide de son index droit, renifla son doigt souillé de cérumen, et se dit qu'elle avait sans doute mal compris.

A suivre...







Jehanne la Pucelle #2 Au pré

Cadette d'une famille de laboureurs malhonnêtes, avinés et violents, Jehanne faillit subir plusieurs fois les assauts paternels.
Heureusement pour la célèbre et virginale innocence de notre héroïne, les quantités indignes de vin de Chinon (une affreuse piquette) avalées par son père, Jacques d'Arc, ne permirent jamais à ce dernier d'aller bien loin dans ses pervers projets, puisqu'il s'écroulait généralement au pied de la paillasse où dormaient déjà les enfants, et finissait ses nuits, cuvant, roulé en boule au pied du tas de foin.
Quant à sa mère, Isabelle dite La Folle, une grenouille de bénitier dépressive et un peu dure d'oreille (les mystères de l'hérédité sont décidément insondables!), elle ne remarqua jamais rien du révoltant manège de son pitoyable époux.
La vie s'écoulait ainsi, mollement, les parents d'Arc supportant de sombres gueules de bois, à charge pour les enfants de faire tourner la baraque.
Députée à la surveillance des vaches profitant des vaines pâtures dès l'âge de onze ans, la jeune Jehanne n'eut longtemps pour seule compagnie que celle des génisses ruminantes.
A treize ans, elle ne supportait plus leur odeur; à quinze, refusait de les toucher; et jusqu'à sa mort on put l'entendre crier au coeur des nuits de pleine lune des "mort aux vaches!" déchirants.

Lepage
Jeanne d'Arc
Jules Bastien-Lepage(1848-1884)
Metropolitan Museum of Art
Ces longues journées de solitude déséspéraient absolument la petite Jehanne.
On comprend aisément pourquoi la jeune fille, un peu abrutie, il faut le dire, par ses journées intellectuellement peu stimulantes, se mit à jouer des saynètes  d'inspiration religieuse ou historique, avec des partenaires imaginaires, genre chevaliers, anges et autres rois...

A suivre...







Jehanne la Pucelle #3 Un ange a parlé

Le jour de son seizième anniversaire, le 6 janvier 1429, après s'être gavée une fois de plus de galette des rois (la perpétuelle croix des natifs du 6 janvier), Jehanne s'en alla faire une petite promenade digestive dans les prés avoisinnants. Tout à côté de l'étang saumâtre où il lui était déjà arrivé d'entendre des voix mystérieuses, à nouveau Jehanne fut interpelée de la sorte: "Jehanne! dodue! au lieu de baffrer, va t'en donc trouver le roi de France et demande lui une armée pour libérer Orléans!".
Oui, parce que je vous avais pas dit (voilà pourquoi l'histoire nécessite de la MÉTHODE), mais depuis un moment (cent ans? déjà?!), les Anglois semaient terreur et désolation dans le beau pays françois. Les écorcheurs et les pillards envahissaient les campagnes, les brigands rançonnaient les villes, et le roi, faible et geignard, lâche et indifférent, préférait oublier la défaite en buvant, ripaillant, et dansant jusqu'à pas d'heure.
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Bien décidée, puisque les anges avaient parlé, à remédier à tous les maux du pays de France, Jehanne s'en revint à sa bicoque et annonça à ses parents: "Parents bien aimés, j'ai bien prié, et je sais à présent que mon devoir est d'aider notre bon Charles de France, et je vais partir, grâce à Dieu, me battre contre les Anglais, et les tuer tous, jusqu'au dernier, dussé-je leur arracher le coeur avec une petite cuiller!". Ce à quoi son père répondit: "Avec une petite cuiller?! Mais ma pauvre fille, tu me désoles, reprends donc ta quenouille et file le lin, et tu seras bien heureuse encore que je te donne du pain!".
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Comme quoi, c'était pas gagné. Mais enfin, quel parent ne rêve pas d'une ambition glorieuse animant l'esprit de son enfant? C'est ainsi qu'après une discussion que je qualifierais quand même d'un peu âpre, c'est une Jehanne perclue de bleus, de brûlures de cigarette et autres plaies superficielles qui eut l'autorisation de discuter de sa carrière avec le curé de leur paroisse, puis avec Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, dirigeant une enclave d'irréductibles françois.

A suivre...




Jehanne la Pucelle #4 le début d'une épopée

Nous en étions restés à la première discussion qu'entretint Jehanne avec le curé du coin.
Je dois vous dire qu’il ne fut pas bien difficile à convaincre de la véracité des propos de l’ange, parce qu’à cette époque, on était, et de loin, beaucoup plus ouvert aux expériences spirituelles qu’aujourd’hui. Franchement, de nos jours,  il suffit que tu parles de feng-shui, de végétarisme, d’homéopathie ou même de chamanisme, on te regarde comme une bête curieuse un peu demeurée et cucul-la-praline. Les gens sont d’une intolérance! Enfin bref.
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L’étape suivante consista à mener Jehanne à Vaucouleurs, afin qu’elle y rencontre le Seigneur Robert de Beaudricourt. Là, très étrangement (mais ce mystère sera élucidé plus tard, un peu de patience), Sire Robert fit un accueil des plus promptement chaleureux à notre jeune Elue, l’écouta longuement, et accéda à toutes ses demandes vestimentaires autant qu’alimentaires. En effet, en plus d’exiger une armure (mais point d’armes encore), des chausses de laine finement filées, une culotte de peau, des bandes de lin pour faire office de sous-vêtements, Jehanne ne manqua pas, après s’être fait couper les cheveux d’une façon un peu olé-olé, d’exiger à sa table les mets les plus fins, car elle faisait toute une histoire de manger: pâté d’alouette aux échalottes, joues farcies, queue de porc aux marrons, saucisses de foie, pieds en gelée et compote de coing (en cette saison! imaginez!).
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Habillée, coiffée, nourrie grassement : enfin elle était prête pour partir à Chinon, retrouver le jeune dauphin, Charles, ce piètre commandant.
Ce voyage fut laborieux, parce que mettez-vous bien ça en tête : la Lorraine en hiver, déjà c’est coton, mais en 1429, je vous raconte pas le cauchemar. Enfin plutôt si, je vous raconte.
Imaginez-vous, le mois de février sur les routes vosgiennes (peut-être vous connaissez, si vous aimez le ski de fond): les pluies glacées, le froid perçant, la terre boueuse des chemins mal entretenus (on n’a jamais pu faire confiance aux serfs, les petites gens, c’est bien connu, n’ont aucune vraie conscience collective), la boue, les auberges mal famées, les rixes à tous les coins de rues, et pis que pendre: les corbeaux gros comme des cockers qui vous arrachent les yeux sans crier gare!

De fait, il fallut presque un mois à Jehanne (qui savait chevaucher, tiens, tiens... second mystère!)et sa petite troupe pour arriver à Chinon, cité des bois-sans-soif et de la piquette industrieuse.
A suivre...




Jehanne la Pucelle #5 L'arrivée à Chinon

Arrivée au château de Chinon, attendue et fêtée plus que de raison, somme toute, pour une paysanne n'ayant encore strictement rien prouvé en quoi qu'est-ce, Jehanne, au moment où je vous parle, prenait ses aises dans une chambrette fruste histoire de se parer un minimum pour sa rencontre avec le petit roi de Bourges.




Après avoir gémi pendant trois heures parce qu'elle n'avait rien à se mettre, elle s'avéra enfin prête, certe
 toute pleine de chicaneries lui embrouillant les sens, mais parfaitement consciente des convaincants talents de sa gorge, qu'elle avait pleine, ample, et garnie, donc, elle s'élança vers vingt heures dans un labyrinthe de larges couloirs humides, mal éclairés par quelques torches cacochymes dispersées au petit bonheur, se guidant de fait à l'aveugle grâce aux relents sonores de la vaste salle des fêtes.
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A son entrée, sans que les habiles joueurs de psaltérion ne s’arrêtent, on entendit tout à la fois un long murmure aigri (dès qu'un groupe de dames se sent menacé par la présence lumineuse d'une jeunesse, que voulez-vous...), et quelques sifflements égrillards (dès qu'un groupe de messieurs se sent échauffé par la présence lumineuse d'une jeunesse, que voulez-vous...).
Rapidement, fendant cette foule de seigneurs avinés, Simon Charles, le fameux président de la Chambre des Comptes, un grand type efflanqué à la chevelure brouillonne, remarquable josteur, spécialiste des tournures absconses destinées à semer le trouble, s’approcha de Jehanne, lui lança un clin d’œil malicieux en lui attrapant le bras, et, tandis qu’elle-même décidait de garder une froideur calculée, la conduisit directement au buffet.


A suivre...




****









- Je ne me suis pas déplacée depuis les confins du royaume pour me baffrer de cailles au jus, Monsieur.


Et délaissant le buffet pourtant coquettement achalandé, elle s'approcha d'un groupe d'hommes tous plus richement vêtus les uns que les autres, choisit le plus laid d'entre eux, s'agenouilla devant lui et sur un ton grandiose, à faire pâlir Victor Hugo, lui dit ceci:

-Je vous mènerai, gentil dauphin, à Rome, pour vous faire oindre et couronner!
- Ah.





















- Je pensais quand même que ça déclencherait un peu plus d'enthousiasme!






- Certes. Mais maintenant que j'y pense, comment as-tu deviné que je suis le dauphin?

-J'ai été guidée par un ange vers vous, et je vous mènerai, gentil dauphin, à Rome, pour vous faire oindre et...

- Oui oui, j'ai compris. Mais vois-tu, joliette, je suis un homme simple, et Reims me suffira.

- C'est vous qui voyez, gentil dauphin.

- Certes. Et comment t'appelle-t-on, dans ta contrée? Je soupçonne un accent lorrain, n'est-il pas*?

- Gentil dauphin, j'ai nom Jehanne La Pucelle, et je suis à votre service pour sauver votre royaume, libérer Orléans, et Paris, et vous faire oindre et...

- Pucelle, dis-tu? Quel nom étrange et curieusement évocateur...




(à suivre)


*formulation d'influence anglaise, notable à cette époque. Et d'ailleurs c'est pour ça qu'il y avait la guerre.








Jehanne la Pucelle #7 La chevauchée fantastique
































































Et c'est ainsi qu'adoubée par Charles, La Pucelle s'élança dans une cavalcade insensée et victorieuse, la menant pour commencer à Orléans, (attention, minute houellebecquienne) une commune française du centre-ouest, chef-lieu du département du Loiret et de la région Centre. La ville appartient à l'agglomération Orléans Val de Loire regroupant 22 communes pour un total d'environ 272 000 habitants et à l'aire urbaine d'Orléans comprenant 90 communes pour un total d'environ 369 000 habitants. Orléans est classée Ville d'art et d'histoire. Voici pourquoi:
















En l'an de grâce 1429, la population orléanaise ne s'élevait alors guère qu'à quelques milliers de pauvres bougres souffrant du siège anglais (qui est une méthode de guerre, pas une maladie touchant le fondement).

Jehanne, ses hommes, et son cher ami le bâtard Dunois libérèrent avec panache la ville en moins de dix jours, ce qui est bien mais pas exceptionnel car à l'époque les situations se renversaient rapidement, même si le concept de Guerre de Cent Ans nous fait croire le contraire.

Le siège d'Orléans (Vigiles de Charles VII) 

Comme une traînée de poudre, l'armée de Jehanne gonflée à bloc par tant de bonheur, d'ivresse de la victoire et de confiance en soi, libère tout le nord du pays sur son passage: Patay, Troyes, Châlons-en-Champagne, Reims enfin, permettant le sacre en juillet de Charles VII, enfin digne dans son propre royaume.

Jehanne pourtant n'avait pas toujours la tête à la bataille, et s'inquiétait fort d'alimenter la légende vivante qu'elle devenait jour après jour, tout en s'adaptant sans complexes aux moeurs soldatesques.
































































En effet, elle n'hésitait pas à festoyer chaque soir dans sa tente avec ses compagnons d'armes, abandonnant son armure fleur-de-lysée pour n'arborer que de simples et légères chemises de lin blanc, histoire de lever le coude avec plus d'aisance. Ses tenues fines et échancrées causaient d'ailleurs quelques émois dans l'assemblée, dus à sa poitrine incandescente qui se libérait enfin, dans une ample plénitude (ça c'est la bière).




































Cela étant, un certain manque de fantaisie ainsi qu'un visage peu amène lui garantirent toujours le profond respect de son corps et de son intimité de la part de types quand même pas piqués des vers du genre Gilles de Rais, un gars plutôt léger. 

Oh la vache!

Comme quoi ça peut avoir du bon d'être un laideron. Et ouf j'ai envie de dire! Car moins d'un an après, La Pucelle allait devoir en remontrer, et à des durs à cuire.


Jehanne, disais-je la dernière fois, savait se faire respecter par son mâle entourage, ce dont toutes les femmes reconnaissent l'épineuse difficulté... Ca ne veut pas dire qu'à l'occasion un vieux croûton aux dents gâtées ne tentait pas de lui peloter le tron(c) dans l'ascenseur ou de lui faire des choses sales avec les pieds, mais ça restait un problème générationnel venant des hommes de plus de 50 ans et un avenir assaini par la mixité sinon la parité souriait à notre amie lorraine.

You talkin' to me?
(c'est à moi qu'tu parles?)

C'est alors, après une arrivée au sommet à la force du poignet, toute pleine de cette heureuse félicité pas donnée à tout le monde, qu'à la fin du joli mois de mai 1430, en ville de Compiègne, son destin, subitement, se brisa.

Comme vous avez l'honneur, ça se brise souvent subitement, un destin.
Il faut rester vigilant. Faire attention. Veiller au grain.
Une bonne leçon à retenir pour nos chères têtes blondes comme dirait Mme B., une tahitienne impayable.

Bref, je pense à toi, Pucelle, qui partit de Compiègne, comme un soir en dormant tu nous en fît récit, accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie, là-bas où le destin de votre siècle saigne...

Les bourguignons, fieffés cochons, attrapant là notre héroïne et la revendant 1800€ comme une vulgaire Clio II de 2002* (première main, non fumeur, pneus neige inclus) aux Anglois décadents.



Aussitôt mise au secret à Rouen, passant de la lumineuse hauteur d'un sort unique à une cellule sordide infestée de gros rats, notre amie Jehanne, malmenée par un procureur accusatoire inspiré d'une rage inouïe, laissant penser qu'elle était une justiciable comme les autres alors que non.

Un penseur de haute noblesse, qui avait ses entrées à Chinon, Monseigneur Béhachesles, avait tenté de défendre la Pucelle en criant sur les toits que c'est pas n'importe quel péquin qui entend des voix et approche le roi, que ça devrait donner droit à des arrangements entre honnêtes gens.




Mais les anglo-saxons, qui s'imaginent souvent incarner la droiture et aiment à en remontrer question égalité aux français, ne l'entendaient pas de cette oreille et les quelques mois qui restaient à vivre à Jehanne ne seraient pas franchement un long fleuve tranquille...

à suivre

* pour plus de renseignements, vous pouvez m'envoyer un mail. 
Je vends aussi un Grand Scenic 2010 (7 places).